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Face au coronavirus et à "l'urgence économique", l'Assemblée nationale a voté dans la nuit de vendredi à samedi un nouveau budget aux dépenses considérablement alourdies, entre soutien aux entreprises, aide aux plus modestes et prime aux soignants.
Ce second projet de loi de finances rectificative, après celui adopté en mars, est attendu au Sénat mardi. Il tient compte du plan de 110 milliards d'euros annoncé par le gouvernement pour tenir bon.
Dans l'opposition, malgré des réserves, LR et le PS ont voté le texte, contrairement aux communistes et aux insoumis.
Qui paiera ces nouvelles dépenses ? La gauche et l'extrême droite ont d'ores et déjà lancé le débat en réclamant le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour faire contribuer les plus riches, alors que le gouvernement refuse toute hausse d'impôts à ce stade.
- Les 20 milliards -
Autre pomme de discorde, les 20 milliards d'euros prévus pour recapitaliser des entreprises stratégiques en difficulté, notamment dans l'aéronautique et l'automobile. Les oppositions ont demandé des éclaircissements et des ONG environnementales dénoncent "un chèque aux grands pollueurs", sans conditions.
"Ce ne sera pas un chèque en blanc", a rétorqué le ministre de l'Economie Bruno Le Maire dans l'hémicycle, conditionnant les montées au capital ou éventuelles nationalisations temporaires à "un effort de redressement et de compétitivité" ainsi qu'à "une politique environnementale ambitieuse".
Un amendement LREM a ainsi été voté dans la nuit pour que ces entreprises soient "exemplaires" en termes de responsabilité sociale et environnementale, "en particulier en matière de lutte contre le changement climatique".
Du "pipeau" selon la non inscrite et ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho. Et du simple "greenwashing", considère le député ex-LREM et proche de Nicolas Hulot Matthieu Orphelin, auteur d'un amendement rejeté.
Face à une crise d'une ampleur inédite, ce nouveau budget repose sur de sombres prévisions macro-économiques avec un recul de 8% du PIB en 2020, un déficit public d'environ 9,1% du PIB et une dette à 115%.
La baisse de 8% du PIB est "un chiffre sévère" mais "pas définitif", a d'ailleurs prévenu Bruno Le Maire, pendant que son collègue des Comptes publics Gérald Darmanin relevait que "nous avons pris 20 points de dette en trois mois".
Le gouvernement a rajouté 2 milliards de dépenses vendredi soir en élargissant le dispositif de chômage partiel à certaines catégories, en finançant des masques non sanitaires, ou en soutenant les parcs animaliers en difficulté, ce qui fait passer le déficit prévu de 9 à 9,1% du PIB.
Ce nouveau budget porte notamment à quelque 24 milliards d'euros les crédits destinés au chômage partiel, dont un tiers pris en charge par l'Unedic. "Près de 9 millions de salariés aujourd'hui sont au chômage partiel", ce qui doit éviter des "licenciements de masse", a estimé M. Le Maire.
- "Sentiment d'injustice" -
Le texte hisse aussi à 7 milliards d'euros le fonds de solidarité en faveur des très petites entreprises et des indépendants.
Ce projet de loi comprend en outre une "avance remboursable" pour les PME qui n'obtiennent pas de prêt, ainsi qu'un fonds de soutien aux entreprises de taille intermédiaire d'un milliard d'euros.
A droite, Eric Woerth (LR) a réclamé des annulations de charges pour hôtels, restaurants ou commerces. M. Darmanin a indiqué étudier "une exonération de charges (patronales) à la reprise".
Enfin, ce texte de loi finance la prime exceptionnelle de 500 à 1.500 euros destinée aux soignants. Et intègre l'aide aux ménages les plus modestes (allocataires des minimas sociaux) de 150 euros, plus 100 euros par enfant, annoncée par l'exécutif mercredi.
Evaluée à 880 millions d'euros au total, cette aide est jugée insuffisante par la gauche. "Elle touche les familles en grande précarité mais il reste toute une catégorie de travailleurs pauvres" avec "un sentiment d'injustice, peut-être même de colère", selon Jean-Louis Bricout (PS).
En fin d'après-midi, les députés avaient par ailleurs adopté une baisse de la TVA, de 20 à 5,5%, sur les masques et le gel hydroalcoolique pour les rendre plus accessibles pendant cette crise.