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Cuba: Covid et embargo, le cocktail douloureux des enfants handicapés

Le rêve de Jhoselyn Nobrega? Courir et pédaler à vélo dans les rues de Cuba. Mais pour y arriver, cette fillette handicapée de 11 ans doit surmonter deux obstacles: la pandémie de coronavirus et l'embargo américain.

Comme 31.000 enfants cubains scolarisés dans des établissements spécialisés, Jhoselyn a vu ses thérapies interrompues quand le centre a fermé à cause du Covid-19. Et les opérations qu'elle devait subir ont été repoussées sine die.

Sans oublier la pénurie de médicaments et d'équipements orthopédiques, alors que l'embargo en vigueur depuis 1962 a été accentué ces dernières années par Washington, qui dénonce des violations des droits humains et le soutien de La Havane au gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela.

Le vote annuel à l'ONU sur la résolution condamnant l'embargo, habituellement soutenue par une grande majorité de pays, est prévue mercredi.

L'enseignement aux enfants handicapés "a été l'un des secteurs les plus touchés par la combinaison de la pandémie et du renforcement de la politique de blocus contre notre pays", assurait récemment devant la presse Beatriz Roque, directrice de cette branche au ministère de l'Education.

Depuis sa naissance, Jhoselyn, pré-adolescente mince aux longs cheveux noirs, a dû traverser de dures épreuves, comme le décès de sa mère quand elle avait six ans puis une série de cinq opérations pour corriger les malformations dues à la paralysie cérébrale avec laquelle elle est née.

"Le Covid a empêché de faire l'opération qui aurait dû suivre", s'inquiète son père Maykel Nobrega, ouvrier dans la construction âgé de 39 ans. L'hôpital qui suit la jeune fille est entièrement dédié aux patients de coronavirus.

- Après la pandémie -

Jhoselyn, qui a attrapé le virus en février, ne perd pas son sourire. Bras en l'air, elle danse joyeusement lors d'une partie de jeux vidéo avec ses cousins.

"Ce que j'aimerais faire le plus?" se demande-t-elle. "Me mettre à courir avec ma cousine dans la rue, monter sur un vélo!"

Elle aurait déjà dû être opérée des genoux et des pieds. Les spécialistes avaient programmé ces opérations en 2020, pour lui permettre de marcher enfin normalement. Elles devront attendre après la pandémie.

Et si le pays affiche seulement 163.415 cas pour 11,2 millions d'habitants, Cuba ne semble pas sorti d'affaire: mardi, un nouveau record de cas quotidiens (1.537) a été franchi.

Le pronostic pour Jhoselyn "est très favorable, je pense que si tout va bien, elle pourra marcher sans aucun accessoire, sans béquilles" après ces opérations, assure son physiothérapeute Jamileth Quintero.

Les difficultés ne sont pas nouvelles pour elle. "Une fois, on lui avait prescrit une prothèse pour dormir mais il n'y avait pas le plastique pour ça", de nombreux matériaux ne pouvant arriver sur l'île en raison de l'embargo, explique Maykel, le père. "Il a fallu attendre jusqu'à ce qu'ils en trouvent".

- Problèmes d'approvisionnement -

Son école spécialisée, baptisée Solidaridad con Panama et située près de La Havane, souffre de ces problèmes d'approvisionnement tout comme les 345 établissements similaires sur l'île.

Les machines de lecture en braille ne peuvent être réparées faute de pièces de rechange, il n'y a pas assez de fauteuils électriques, ni de matériel léger pour les orthèses, détaille Marlen Triana, directrice au ministère de l'Education.

Même les batteries des appareils auditifs viennent à manquer. Sans elles, "ces prothèses ne peuvent pas fonctionner": "Si l'enfant ne peut pas écouter, comment on l'aide à avancer?", se lamente-t-elle.

Roilan et Radmall Gonzalez, deux frères de 13 et 14 ans atteints de handicap mental, sont scolarisés dans le centre Sierra Maestra à La Havane. S'ils ont fait de grands progrès avec l'aide d'enseignants et de thérapeutes, eux aussi se heurtent aux difficultés du quotidien.

Roilan "a besoin d'un médicament, la carmabazépine, et parfois on n'en trouve pas", obligeant sa mère à chercher par tous les moyens ce traitement qui calme son anxiété, raconte Pilar Medina, directrice de l'école. Et, sans lui, "sa sociabilisation est plus compliquée".

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