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Dans la plus grande prison d'Europe, du porte-à-porte pour sensibiliser les détenus au vote

"Ils ont toqué à ma porte, et j'ai appris que je pouvais voter même en prison", raconte Dylan (tous les prénoms des détenus ont été modifiés), détenu à Fleury-Mérogis: dans la plus grande maison d'arrêt d'Europe, porte-à-porte et discussions ont été organisés, avant la présidentielle, pour sensibiliser au vote.

Une semaine avant le premier tour, les personnels se mobilisent pour une nouvelle tournée des cellules. Après les formulaires administratifs, voici la distribution des professions de foi des candidats et des lettres informant les détenus inscrits de leur bon enregistrement.

Au bâtiment D1, occupé par 777 détenus dont 460 pouvant voter et près de 260 inscrits, l'ouverture soudaine de la porte de cellule surprend Dylan en pleine sieste.

Contre signature, le trentenaire récupère son courrier auprès d'une capitaine pénitentiaire et d'une surveillante en uniforme bleu.

Lui qui pensait avoir "perdu son droit de vote" en étant emprisonné en septembre, espère aujourd'hui que sa "voix même minime" sera entendue par-delà le mur de trois kilomètres qui entoure Fleury-Mérogis et ses 3.600 détenus, au sud de Paris.

Dans une autre aile du bâtiment, Amin feuillette les professions de foi: "Là, j'ai Macron, Hidalgo, Zemmour... On peut comparer comme ça", commente le détenu de 49 ans. Ces feuillets, "on peut les lire plusieurs fois, alors qu'on ne peut regarder qu'une fois une émission à la télévision", sa principale source d'information en cellule.

Les programmes "vont nous aider à ne pas voter aveuglément" pour bien "penser à l'avenir", à "l'écologique et au scolaire", espère ce père de quatre enfants, qui doit sortir en 2025.

"Un détenu est un citoyen pendant son temps en prison, et aussi quand il quittera la prison", insiste le directeur de la maison d'arrêt, Franck Linares, précisant qu'il est "très rare" que des détenus écopent d'une interdiction de droits civiques.

Si l'administration pénitentiaire "assume sa mission de garde", elle "revendique aussi sa mission d'insertion et de réinsertion" en évitant que la prison ne soit "un temps mort", poursuit le directeur.

Pour voter, Amin a eu le choix entre trois modalités: la permission de sortie (si obtenue), la procuration ou le vote par correspondance organisé en prison.

Cette dernière modalité a été inaugurée en France lors du scrutin européen de 2019. Et c'est la première fois qu'elle est proposée pour la présidentielle.

- "Pas oublié" -

Quelques jours avant le premier tour, chaque bâtiment de Fleury-Mérogis disposera d'une salle avec un isoloir, une urne... La symbolique convainc Amin: "C'est une question psychologique. Même si on est enfermé, on se sent citoyen, respecté, pas oublié".

Un sentiment partagé par la dizaine d'inscrits avec qui l'AFP a pu échanger. Comme Patrick, qui estime faire un "premier pas" moins "anti-système" en votant pour la première fois, à 40 ans, après neuf condamnations. Ou Zakari, 25 ans, à qui l'idée même de voter donne la sensation d'être "quelqu'un de sérieux".

Maxime, 24 ans, lui ne pourra pas voter à la présidentielles par correspondance: il a été incarcéré quatre jours auparavant, et il est trop tard pour s'inscrire.

"Et les législatives ?", l'interroge l'assistante sociale du Service d'insertion et de probation (SPIP), lors une réunion d'information. "Vous me posez une colle, je sais pas ce que c'est", répond Maxime. "+Législatives+, même ce mot-là, je connais pas", abonde Hakim, prévenu de 20 ans.

Les deux jeunes participent à une information collective d'une heure avec le SPIP, dans une pièce aux allures de salle de classe peinte en rose saumon.

Hakim disait être "juste venu pour sortir de sa cellule", mais très vite, ses questions fusent: "Notre vote, il reste secret ou pas ? Car j'aime bien ce que Valérie Précesse propose, mais bon", "j'ai jamais compris, c'est quoi l'extrême droite et l'extrême gauche ?"

Emmanuel Gandon, chef d'antenne Fleury-Mérogis du SPIP, recentre: "Vous pouvez demander un cours d'histoire à l'Education nationale, mais le rôle du SPIP est de vous expliquer comment participer au vote, pas de parler de politique".

Restant un peu sur sa faim, Hakim conclut "préférer ne pas voter", car il ne veut pas "se lancer dans quelque chose qu'il ne connaît pas". En sortant, il remplit tout de même un formulaire d'inscription.

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