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Des dizaines d'enfants entassés dans un sous-sol se couvrent la tête avec les mains: dans une école du sud-est de l'Ukraine, en proie à la guerre depuis quatre ans, on s'entraîne à agir en cas de bombardement.
"C'est la sonnerie longue, il faut descendre au sous-sol", expliquent les élèves de l'école n°8 de la petite ville de Sartana, sous contrôle de Kiev, en se mettant en rang deux par deux pour suivre les flèches bleues qui conduisent vers l'abri.
Répété tous les mois, l'exercice est devenu presque banal: les enfants marchent vite, de façon bien organisée, certains même en plaisantant. Chaque classe dispose d'une pièce souterraine séparée, équipée de bureaux, d'une trousse de secours et d'un stock d'eau.
"On a des alarmes spécifiques: trois courtes sonneries pour un incendie, une longue pour un bombardement", explique calmement à l'AFP Olena Lyskonog, une élève de 14 ans. "Nous faisons souvent ce genre d'exercice pour ne pas paniquer quand un vrai bombardement arrivera".
"Le sous-sol de notre école est aujourd'hui l'endroit le plus sûr de Sartana", assure la directrice, Lioudmila Korona.
En Ukraine, le conflit opposant les forces gouvernementales aux séparatistes prorusses a fait plus de 10.000 morts depuis son déclenchement en 2014. Kiev et l'Occident accusent la Russie de soutenir militairement les séparatistes, ce que Moscou dément.
Située à une dizaine de kilomètres de la ligne de front, la ville de Sartana a essuyé de violents bombardements à plusieurs reprises. En octobre 2014, elle a été touchée par les tirs d'un système lance-roquettes multiple Grad qui sont tombés sur un cortège funèbre, tuant sept personnes et en blessant 13 autres.
Grâce à de fragiles trêves successives, ses quartiers résidentiels n'ont pas été bombardés depuis deux ans, mais la vie est toujours loin de la normale. "Près d'ici, ça tire constamment, on l'entend jour et nuit", raconte la jeune Olena.
- 200.000 enfants dans des zones à risque -
Son école organise aussi régulièrement des leçons pour mettre en garde contre les mines, dont la région est truffée. "Si tu vois une mine, n'y touche pas, ne t'en approche pas, appelle les pompiers", exhortent des affiches accrochées aux murs.
Vadym Kononov, un élève, avait 12 ans quand les combats ont commencé. Ses parents ont dans un premier temps tenté de lui cacher la gravité de la situation en présentant les bombardements comme des "feux d'artifice".
Aujourd'hui, ce garçon svelte connaît la différence entre les mines antipersonnelles et antichars et peut identifier différents modèles d'engins explosifs. Mais il espère ne pas avoir à le faire en pratique.
"Après ces entraînements, on sait un peu mieux à quoi ressemblent ces mines", estime-t-il.
A une centaine de kilomètres plus au nord, la ville de Krasnogorivka, également contrôlée par Kiev, se trouve pratiquement sur la ligne de front. Depuis le début de la guerre, elle a perdu les deux tiers de ses habitants qui ont fui les combats. Trois de ses cinq écoles sont hors d'usage.
Deux de ces établissements ont été fortement endommagés par les bombardements et un troisième n'a plus de chauffage.
L'école n°2, un immeuble à deux étages construit dans les années 30, reste vide car son toit a été arraché par trois tirs de lance-roquettes Grad une nuit de mai 2017, juste après la fin de l'année scolaire.
"Je me suis réveillé un matin et j'ai vu que notre école n'existait plus", se souvient Illia Dolguikh, un ancien élève de 17 ans, qui dormait à poings fermés le soir du bombardement et n'a pas entendu les explosions.
"Quand on m'a dit ce qui s'était passé, je me suis senti mal", poursuit le jeune homme.
Selon l'Unicef, en quatre ans de conflit, près de 750 écoles ont été endommagées ou détruites dans l'est de l'Ukraine. Quelque 200.000 enfants sont toujours contraints de suivre leur scolarité dans des zones exposées aux opérations militaires, selon un communiqué de l'Unicef publié en mai.
A Krasnogorivka, les autorités ont entamé des travaux pour réparer l'école n°2, mais nul ne sait quand les élèves pourront y retourner. Presque toutes les nuits, on y entend le bruit des tirs.
"Bien sûr, la vie continue. Mais on ne peut pas s'habituer à ça", avoue la directrice de l'école, Olena Mykhatko.
Des deux côtés du front, la mort continue de frapper régulièrement. Fin septembre, trois enfants ont été tués et un quatrième blessé par l'explosion d'une mine alors qu'ils se promenaient près d'une ville contrôlée par les séparatistes.