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A Delhi, de bons samaritains au secours de milliers de rapaces mutilés par accident

Un vautour percnoptère, grièvement blessé quelques mois plus tôt, s'apprête à retrouver les cieux de Delhi, après avoir été soigné par deux frères qui portent secours aux milliers de rapaces mutilés par accident chaque année, souvent par des fils de cerfs-volants.

L'oiseau "a été blessé à l'aile gauche par un cerf-volant", déclare à l'AFP Salik Rehman, assistant vétérinaire de Wildlife Rescue, organisation fondée en 2010 par les frères Nadeem Shehzad et Mohammad Saud.

Il a dû subir "une intervention chirurgicale, des points de suture et trois semaines de pansements", précise le jeune homme.

Le vautour percnoptère est une espèce menacée dont il reste moins de 38.000 spécimens dans le monde, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

"Une colonie de vautours percnoptères vit à Ghazipur", dit-il, en référence à cette épouvantable décharge haute de 70 mètres qui infeste l'est de Delhi.

Les rapaces y sont attirés par l'abondance des déchets que les abattoirs et marchés aux volailles et aux poissons y déversent chaque jour.

- Tableau d'éclopés -

L'oiseau d'environ quatre ans, plumage crème, tête toute ébouriffée, reste docile sous le bras de Salik avant de recouvrer la liberté dans un parc boisé au nord de Delhi.

A peine posé à terre, le vautour, au long bec jaune busqué, s'élève dans les airs, sous le regard d'un garde-forestier, témoin officiel de sa libération.

"Certaines espèces sont encadrées par une législation stricte qui stipule qu'elles doivent être relâchées dans un lieu de vie sauvage comme un sanctuaire ou une forêt protégée, devant un garde-forestier", explique Nadeem Shehzad, 44 ans.

Les oiseaux secourus passent leur convalescence dans une grande volière sur le toit de son établissement, où une poignée de vautours percnoptères se distingue parmi plus de 70 rapaces, surtout des milans noirs.

Delhi connaît la plus forte concentration de milans noirs au monde, ajoute l'expert, en observant l'étrange tableau de volatiles éclopés. Ils en sauvent plusieurs milliers par an.

Selon Nadeem, les lignes électriques, les filets de pêche, les collisions avec des véhicules, mais surtout, les fils des cerfs-volants sont les principales causes de mortalité et de blessures d'oiseaux.

Au rez-de-chaussée, dans des cages exiguës, près d'une dizaine de milans noirs, aux entailles caractéristiques, souffrent en silence.

Assis à la table de soins, Mohammad Saud examine chaque oiseau que lui tend Salik et désinfecte leurs plaies.

- Oiseaux de malheur -

"La plupart (...) ont été mutilés par des fils de cerf-volant", poursuit Nadeem, alors que Mohammad lutte avec un fil encore enroulé autour de l'aile d'un rapace, l'humérus à nu. Certains fils sont parfois enduits de verre et extrêmement dangereux, explique-t-il, "nous avons vu des os tranchés net".

"C'est Mohammad qui soigne les oiseaux", déclare Nadeem, "nous travaillons avec un vétérinaire externe qui vient (...) une ou deux fois par semaine".

Il est parfois trop tard pour les sauver, comme cet aigle des steppes que Mohammad soigne sans illusion.

"Il va mourir dans quelques jours, sa plaie est déjà gangrenée", dit-il en désignant les pourtours décolorés de l'entaille.

L'organisation, qui vit essentiellement de dons, manque cruellement de fonds, victime notamment de la superstition, selon Nadeem, car "beaucoup croient que les rapaces et les corbeaux portent malheur".

La charité dépend aussi de l'idéologie, les vétérinaires végétariens voient d'un mauvais oeil que les rapaces se nourrissent de viande. Ces rejets ont motivé la création de Wildlife Rescue.

A Gurgaon, en banlieue de Delhi, le minuscule Charity Bird hospital, d'obédience jaïna, strictement végétarienne, recueille chaque année, dans sa volière à l'étage, des milliers de pigeons, de colombes et autres tourterelles blessés ou malades, que des habitants n'ont pas eu le coeur d'abandonner à leur triste sort.

A l'instar de cet homme qui surgit avec un pigeon blessé par les pales d'un ventilateur au plafond de sa terrasse.

"C'est la première fois qu'une telle chose arrive", confie, mine coupable, Selva Raj, 67 ans, employé d'un diamantaire.

Le vétérinaire, Rajkumar Rajput, 38 ans, s'empare aussitôt de l'oiseau, l'examine, désinfecte et panse ses plaies. Le dispensaire abrite aussi perroquets, perruches et cacatoès. Leur cacophonie est assourdissante.

"Les oiseaux sont les bâtisseurs de la nature et nous, les humains, sommes ses destructeurs", regrette le vétérinaire jaïn, exhibant un pigeon vert convalescent. "Un tel oiseau sème les graines d'au moins 10.000 arbres au cours de son existence".

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