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Les restaurants pourront rouvrir le 2 juin dans les zones vertes. Mais la clientèle sera-t-elle au rendez-vous ? Les chefs redoutent le monde d'après et beaucoup ont choisi de continuer la vente à emporter, inaugurée pendant leur confinement.
A Lyon, capitale de la gastronomie, ou sur les rives du lac d'Annecy, les plus grandes tables anticipent des lendemains difficiles, obscurcis par la peur du virus et la distanciation imposée dans les salles.
"Les mois à venir seront compliqués. C'est pourquoi, même rouverts, on va diversifier nos offres", explique à l'AFP Gaëtan Gentil, chef étoilé du restaurant Prairial, au coeur de Lyon.
"On a été les premiers sur Lyon à se lancer dans les plats à emporter pendant le confinement. Un succès: quelque 80 menus chaque mercredi et samedi".
A deux - sa femme Céline et lui - contre neuf salariés d'ordinaire. "On prépare aussi une trentaine de +paniers-voyageurs+", destinés à un camion-épicerie.
Le chef ne cache pas son inquiétude: "l'été, 70% de nos clients sont des touristes... Pour le proche avenir, on n'a aucune visibilité".
Même analyse pour Jean Sulpice, chef doublement étoilé de l'Auberge du Père Bise à Talloires-Montmin (Haute-Savoie), sur les rives du lac d'Annecy.
Quand "nous rouvrirons, on aura de lourdes contraintes d'exploitation. On ne retrouvera pas le restaurant d'avant... avant longtemps".
"C'est pourquoi je compte maintenir mon activité de plats à emporter", jusqu'ici inédite.
"Avec le confinement, il a fallu se réinventer. Et cela rend aussi ma cuisine accessible à des gens qui ne franchiront peut-être jamais la porte de mon établissement", souligne-t-il.
"Cela fait plus d'un mois que je propose +entrée, plat dessert+ pour 36 euros". Rien à voir avec le budget d'un repas à l'Auberge du Père Bise.
"Ce qui compte, c'est de continuer à créer, manipuler les produits, conserver le lien avec les producteurs locaux, les clients et la saisonnalité".
"Cela m'a aussi permis d'avoir six à huit personnes à temps plein en cuisine". Le reste des 70 salariés est au chômage partiel.
Les plats sont à retirer à la boutique de l'Auberge mais aussi chez des commerçants. "Un ami traiteur m'a prêté un camion réfrigéré pour les livraisons".
"La saison estivale est cruciale pour le restaurant. Si on la loupe, ce sera dramatique", prévient Jean Sulpice.
"La vente à emporter va servir de complément après des mois de fermeture. La profession se réorganise, elle n'a pas le choix", selon Alexane Roux, dont la start-up NoShow a conçu une solution numérique de commande de plats à emporter pour ces restaurateurs néophytes en la matière.
- "Un avant et un après Covid" -
"Les consommateurs vont vouloir bien manger, mais chez eux, en sécurité. C'est un réel changement dans le mode de consommation. Il y aura un avant et un après Covid-19", affirme-t-elle.
Floriant Rémont, à la tête de trois restaurants Bistro du Potager à Lyon, renchérit: "les gens vont préférer encore longtemps déguster nos plats chez eux plutôt qu'au restaurant".
"On a démarré la vente à emporter début mai. On continuera après la réouverture", explique-t-il.
"C'est un nouveau canal de vente. On n'offre pas tout à fait la même cuisine mais il fallait se réinventer. Même déconfinés, les restaurants vont souffrir", relève Floriant Rémont.
Pour l'instant, un seul chef est aux fourneaux au lieu des 45 salariés habituels.
"Nous, pendant le confinement, on a inventé le bouchon à emporter !", s'enthousiasme Joseph Viola.
"C'est un exercice nouveau mais nous continuerons après la réouverture", assure le patron des trois célèbres bouchons lyonnais Daniel et Denise.
Cela "booste la créativité, a permis de sortir des salariés du chômage et de réamorcer la pompe. En temps normal, on a 56 employés. Seulement six cuisiniers en piste aujourd'hui".
"Certaines spécialités ne peuvent s'emporter mais l'identité de la maison reste dans la +box+": pâtés en croûte, ris de veau, quenelles….
Ce Meilleur Ouvrier de France prédit que "le retour au restaurant sera très timide, mais les gens en ont marre de cuisiner. Ils l'ont trop fait pendant le confinement".