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"On a toutes envie de témoigner aujourd'hui": à l'appel de la comédienne Muriel Robin, plus d'un millier de femmes se sont rassemblées samedi à Paris pour demander "qu'on écoute les victimes" et que cessent les violences conjugales, qui tuent près d'une femme tous les trois jours.
"Ca commence par des claques, ça finit par des théières de thé dans l'oeil". Debout sur un banc, Nora, 15 ans, raconte le calvaire de sa mère, qui a subi pendant 18 ans les coups de son conjoint dont elle est aujourd'hui séparée.
"C'est pas un père, c'est un moins que rien", poursuit cette élève de seconde, qui "a passé des nuits à la soigner". "Ma mère, elle vient d'en sortir. Elle est là, elle est vivante. Mais je pense à toutes les autres, il faut les aider", poursuit l'adolescente, la voix brisée.
Face à elle, une foule compacte et très majoritairement féminine s'est massée devant l'ancien palais de justice de Paris à l'occasion d'un rassemblement inédit organisé par Muriel Robin.
La comédienne, qui a récemment incarné dans un téléfilm Jacqueline Sauvage, condamnée pour le meurtre en 2012 de son mari violent après 47 ans d'enfer conjugal, est à l'origine avec 87 autres personnalités d'une tribune pour que les "femmes ne meurent plus dans l'indifférence totale".
Près d'elle, de nombreuses militantes féministes, des élues - la députée LFI Clémentine Autain, la maire de Paris Anne Hidalgo, la députée LR Valérie Boyer, l'ex-ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol - mais aussi des filles de Jacqueline Sauvage, la romancière Christine Angot ou la comédienne Eva Darlan.
En 2016, 225.000 femmes ont subi des violences conjugales et 123 ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, soit environ une tous les trois jours, un chiffre d'une effrayante stabilité.
"On peut sauver 150 cadavres par an", a déclaré Mme Robin, s'exprimant dans un mégaphone. "Ne pas pouvoir le faire, c'est une honte, c'est indécent", a-t-elle poursuivi, sous les applaudissements et les "Merci Muriel".
- "Beaucoup de colère" -
La comédienne a réclamé "l'augmentation du budget alloué aux associations qui accompagnent les victimes", "la création de centres d'hébergement dans tous les départements", "la formation des hommes de loi" au recueil de la parole, "l'éviction systématique du conjoint violent" et "le port obligatoire du bracelet électronique".
"Donner des millions pour une campagne de communication, d'accord, mais après, on propose quoi aux victimes qui vont se déclarer ?", a-t-elle ajouté, faisant référence à une récente campagne télévisuelle à destination des témoins lancée par le gouvernement.
Invitant ensuite les participantes à se prendre par la main, elle a ajouté: "Regardez cette chaîne, c'est fort et beau".
"On a toutes envie de témoigner aujourd'hui, il y a beaucoup de colère", a expliqué à l'AFP une participante, Sonia, 40 ans, montrant d'imposantes cicatrices sur le cou et les bras, stigmates de son passé avec un ex-mari violent, qu'elle poursuit aujourd'hui devant un tribunal.
Dans un communiqué, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité Femmes-Hommes a salué ce "grand rassemblement", respectant son "caractère citoyen non politisé".
"Le gouvernement d'Edouard Philippe fait tout ce qui est en son pouvoir et a besoin de la mobilisation de toutes et de tous: personnalités, élus, citoyens, autour du mot d'ordre ne rien laisser passer", a ajouté Marlène Schiappa.
Une pétition intitulée "Sauvons celles qui sont encore vivantes", lancée en parallèle par Muriel Robin, avait recueilli samedi après-midi plus de 474.000 signatures électroniques.
Diffusé lundi, le téléfilm "Jacqueline Sauvage, c'était lui ou moi", réalisé par Yves Rénier, a réuni près de 8 millions de téléspectateurs sur TF1, un record pour une fiction française depuis 2015.
Mme Sauvage est sortie de prison en décembre 2016, à 69 ans, après une grâce totale accordée par l'ancien président de la République François Hollande. Devenue pour beaucoup un symbole des victimes de violences conjugales, son histoire a suscité une forte mobilisation mais également divisé l'opinion.