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Des milliers de Nigérians renvoyés chez eux malgré l'insurrection jihadiste

Baga était une paisible localité, nichée sur les rives du lac Tchad, avant de tomber aux mains des jihadistes, contraignant Usman Mohamed à fuir il y a sept ans sa ville natale du nord-est du Nigeria.

Il fait désormais partie des centaines de milliers de personnes poussées par les autorités à retourner chez elles, après avoir passé des années dans des camp de déplacés de Maiduguri, la capitale régionale.

Mais le mois dernier, sur le chemin du retour, des jihadistes lui ont tiré dessus au cours d'une embuscade, raconte à l'AFP l'homme de 53 ans couché sur un lit d'hôpital. A ses côtés, une dizaine de personnes, toutes blessées lors de récentes attaques.

Les attaques visant les civils ont baissé par rapport aux années précédentes, mais les nombreux témoignages comme celui d'Usman prouvent que certaines zones de l'Etat du Borno ne sont toujours pas sûres.

Pourtant, les autorités ont bien l'intention de fermer tous les camps de déplacés d'ici 2026. Six camps, qui abritaient entre 100.000 et 150.000 personnes, ont déjà fermé.

En fermant ces camps, le gouvernement souhaite en finir avec la dépendance à l'aide humanitaire, jugée insoutenable, et veut inciter la population à subvenir à ses propres besoins en retournant travailler dans les champs.

Selon les autorités locales, les personnes déplacées ont le choix entre se réinstaller dans la ville la plus sûre près de leur village natal ou dans des zones rurales considérées comme sûres par l'armée.

Mais dans la plupart de ces zones, les ONG refusent de se déployer, y craignant de possibles attaques jihadistes.

Elles ont de toutes les façons interdiction de fournir de l'aide dans nombre de ces zones.

"Là où il y a des difficultés, le gouvernement interviendra et apportera son aide", a récemment assuré le gouverneur du Borno, Babagana Zulum.

- Derrière les tranchées -

Personne n'est forcé à rentrer dans les villages, insistent les autorités qui offrent une aide financière à ceux qui souhaitent rester à Maiduguri.

C'est le cas de Bintu Ali, 60 ans et de sa fille Hadiza Bala, 29 ans, qui tentent de survivre dans la capitale après huit ans passé dans un camp.

Toutes deux ont reçu de l'argent du gouvernement et Hadiza gagne environ 40 centimes d'euro par jour grâce à des petits boulots.

"La vie était meilleure dans le camp, ici nous n'avons rien", se lamente la mère. Mais toutes deux pensent qu'au moins ici, elles sont en sécurité.

Au moins une dizaine de déplacés ont déclaré à l'AFP que l'argent fourni - jusqu'à 100.000 naira (210 euros) - n'était pas suffisant. Alors la majorité accepte de partir.

Or si les soldats occupent quelques villes à travers l'Etat, les insurgés ne sont jamais loin et continuent d'arpenter les zones rurales.

Alors beaucoup préfèrent se réfugier derrière les tranchées qui entourent les villes de garnison, soit dans des logements fournis par les autorités, soit dans des camps.

À Bama, deuxième plus grande ville de l'Etat, un camp construit pour 35.000 personnes en accueille désormais deux fois plus, avec de nouvelles arrivées enregistrées chaque jour depuis août dernier, a déclaré à l'AFP un responsable humanitaire.

- Mourir de faim -

Dans un camp situé à la périphérie de Maiduguri, Safiratu Solomon fait partie des nombreuses déplacées qui aimeraient rentrer chez elles, malgré le conflit en cours.

Cette jeune femme de 17 ans, dit être "fatiguée" des mauvaises conditions de vie et de "ne rien faire".

Il y a sept mois, les distributions de nourriture ont cessé dans ce camp où vivent 22.000 autres personnes, selon sa mère Martha Solomon.

L'année dernière, les autorités leur ont dit que le camp allait fermer mais personne ne sait quand cela se produira.

Dans un autre camp, de nombreux déplacés attendent dans l'angoisse.

Là, des fonctionnaires de l'Etat sont entrés en pleine nuit il y a sept mois pour compter les déplacés et leur donner une carte pour "rentrer chez eux et recevoir de la nourriture".

Mais depuis, rien ne s'est produit, assurent trois déplacés, affirmant attendre un moyen de transport pour rentrer chez eux ou au moins de l'argent et de la nourriture pour le voyage.

Les 11.000 personnes vivant dans ce camp ont également cessé de recevoir de l'aide, disent-ils.

"Les enfants meurent de faim. Encore hier, un homme âgé s'est effondré de faim", dit l'un des déplacés ayant requis l'anonymat.

Le gouvernement du Borno a affirmé "se pencher sur la question", et assuré qu'une distribution importante serait finalement prévu dans ces deux camps.

Dans son discours de début d'année, le gouverneur Zulum avait déclaré qu'il y "aurait des désagréments temporaires" pour ces déplacés. "Nous continuons à tirer des leçons, à adapter notre stratégie. La pire option serait de ne rien faire."

Aux portes de Maiduguri, des dizaines de camions militaires sont garés sur le bord de la route, remplis de munitions, prêts à être déployés.

Un autre camion les longe et disparaît au loin. A son bord, des dizaines de déplacés entassés avec leurs valises.

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