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Le Défenseur des droits demande au ministre de l'Intérieur "une inspection de l'ensemble" des commissariats parisiens dont certains ont donné ces dernières années des "ordres et des consignes discriminatoires" visant notamment les SDF et les Roms.
Cet avis, dévoilé par le Journal du Dimanche et dont l'AFP a eu copie dimanche, a été transmis "pour information" au procureur de Paris.
Le Défenseur Jacques Toubon "constate" que des "ordres et consignes discriminatoires enjoignant de procéder à des contrôles d'identité de +bandes de noirs et nord-africains+ dans un secteur défini, et à des évictions systématiques de +SDF et de Roms+ ont été diffusés" dans un arrondissement, dont le numéro n'est pas précisé dans la copie de l'avis reçu par l'AFP.
Ces ordres, consignes et mentions de service, répétés entre 2012 et 2018, "laisseraient présumer" d'interventions discriminatoires par la brigade de police secours et de protection (BPSP).
Ces évictions "systématiques (...) seraient justifiées par un impératif sécuritaire et la mise à l'abri de personnes vulnérables". Mais le document du Défenseur des droits note "l'absence" de "constats de comportements individuels préjudiciables", "de cadre juridique précis" et "de toute information sur la prise en charge réelle des personnes se trouvant dans la rue et ainsi évacuées".
"Malgré le retrait des consignes litigieuses, la pratique des évictions des personnes d'origine rom en raison de leur seule appartenance à cette population a été observée dans deux commissariats de zones touristiques, et en tout état de cause, semble persistante et assumée par la DSPAP comme utile à la lutte contre la délinquance", ajoute l'avis rendu le 2 avril.
La direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) est l'autorité sous laquelle sont placés les commissariats parisiens.
"En obéissant à ces consignes qui ont eu cours depuis 2012, les fonctionnaires de police de la BPSP ont exécuté des ordres manifestement illégaux" et "cette pratique est susceptible d'engager la responsabilité du préfet de police de Paris", ajoute le Défenseur.
Ce dossier ne met pas en cause le responsable actuel de la préfecture de police, arrivé en mars, précise-t-on dans l'entourage du Défenseur des droits.
SOS-Racisme a appelé dans un communiqué le parquet à "ouvrir sans délai une enquête préliminaire ou une instruction sur les faits dénoncés par le Défenseur des droits dont nul ne peut douter de sa probité". L'association ajoute qu'elle attend du ministère de l'Intérieur qu'il parle "non pas de maladresses ou de cas isolés" mais qu'il reconnaisse "qu’il existe un problème majeur qui va bien au-delà des cas évoqués".
Dans un tweet, Benoît Hamon, tête de liste de Générations aux élections européennes, a estimé que "le profilage racial et social... est intolérable en République", "nous verrons si @CCastaner couvre ses troupes ou sanctionne cette violation des droits fondamentaux révélée par le Defenseur des droits", a-t-il ajouté.
Une apostrophe à laquelle le ministre de l'Intérieur a répondu sur le même réseau social: "Ce qui est drôle avec @benoithamon c'est sa capacité amnésique: les faits évoqués se sont déroulés quand il etait ministre. Aujourd'hui justice est saisie".
François-Xavier Bellamy, candidat LR aux Européennes, interrogé sur Radio J, a lui estimé que la multiplication des contrôles restait "d'une certaine manière le dernier moyen à ces policiers" en raison d'une "politique migratoire" inefficace.
La sénatrice EELV Esther Benbassa a dénoncé de son côté un "#Racisme policier" et "des pratiques non pas tolérées mais ordonnées par la hiérarchie policière à Paris", a-t-elle écrit sur Twitter.