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Des poignées de main et une très longue séquence de selfies avec ses fans, mais pas le moindre échange avec les journalistes qui l'attendaient dans les jardins de la Maison Blanche.
Donald Trump, d'habitude toujours prompt à ferrailler avec ceux qu'il appelle les "Fake News", a retrouvé jeudi Washington sans un mot.
Amer, à coup sûr. Abattu un peu, aussi, semble-t-il.
A 13 mois de la prochaine élection présidentielle, le milliardaire républicain de 73 ans est confronté au scandale le plus retentissant de son mandat.
Tout est parti d'un lanceur d'alerte, membre des services de renseignement. En quelques jours, tout s'est emballé et l'horizon du locataire de la Maison Blanche s'est chargé de lourds nuages: il est désormais sous la menace d'une procédure de destitution.
Même si, pour l'heure, les élus républicains font bloc, la déflagration a secoué la capitale fédérale américaine.
Au coeur du dossier: un échange téléphonique estival avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky au cours duquel il lui a demandé d'enquêter sur Joe Biden, son possible adversaire démocrate en novembre 2020.
L'affaire a braqué une lumière crue sur sa solitude dans l'exercice du pouvoir, chaque jour plus criante.
Car au-delà du fond du dossier, de l'appel téléphonique digne d'un "chef mafieux" selon l'élu démocrate Adam Schiff, ses réactions et sa riposte ont surpris. Pensait-il vraiment, comme il le laissait entendre, que la publication du contenu de sa conversation téléphonique avec son homologue ukrainien allait éteindre la polémique?
Le 45e président de l'histoire des Etats-Unis, qui ne supporte pas de devoir partager la lumière des projecteurs, a fait le vide autour de lui. Après près de trois ans au pouvoir, difficile de nommer, parmi ses conseillers ou ministres, une seule personnalité forte, capable de lui tenir tête sur des orientations diplomatiques ou de lui donner des conseils honnêtes sur sa stratégie politique.
Une phrase, prononcée mi-septembre après un énième départ ou limogeage, celui de son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, résume ironiquement cet isolement.
"C'est génial de travailler pour Donald Trump et c'est d'ailleurs très facile de travailler pour moi", lançait-il, sur le ton provocateur qu'il affectionne. "Et vous savez pourquoi c'est facile? Parce que je prends toutes les décisions, ils n'ont pas besoin de travailler".
- "C'était tout planifié..." -
Même s'il dénonce "une blague" lorsqu'il évoque la procédure de destitution et brandit toujours l'argument d'une "chasse aux sorcières" sans équivalent dans l'histoire, Donald Trump a été touché.
Lors de sa conférence de presse de mercredi après-midi, à l'issue de trois journées de rencontres bilatérales en marge du grand rassemblement annuel de l'ONU, il est apparu épuisé, sans cette énergie combative qui est sa marque de fabrique.
"Les démocrates ont fait ça durant la semaine des Nations unies, c'était tout planifié...", a-t-il avancé, sans s'attarder au micro.
Le contraste était saisissant avec l'année précédente, dans la même ville, lorsqu'il avait déployé, pendant près d'une heure et demie et dans un tourbillon assourdissant, des talents de showman, concluant en citant Elton John.
Jeudi matin, après une rafale de tweets vengeurs, il a laissé libre cours à sa frustration lors d'une rencontre - fermée à la presse - avec les équipes de la mission américaine aux Nations unies.
Dans un enregistrement diffusé par le Los Angeles Times, on l'entend marteler sa volonté de découvrir qui a fourni les informations au lanceur d'alerte, jugeant qu'il s'agissait "presque d'un espion". "Vous savez ce qu'on faisait au bon vieux temps (...) avec les espions?", ajoute-t-il, menaçant.
L'ancien magnat de l'immobilier a prouvé par le passé, en d'innombrables occasions, qu'il avait du ressort.
Dans l'attente d'éventuelles nouvelles révélations embarrassantes, une stratégie se dessine: se poser en victime de basses manoeuvres politiques de la part d'adversaires qui n'auraient jamais véritablement digéré la victoire surprise en 2016 d'un homme qui ne faisait pas partie du sérail.
Certains analystes voient même dans la décision des démocrates de lancer une procédure de destitution un "cadeau" fait à Donald Trump, qui pourrait lui permettre, en criant à l'injustice, de mieux galvaniser sa base.
A son arrivée jeudi à la base militaire d'Andrews, dans la banlieue de Washington, il a joué sur cette corde, parlant de lui à la troisième personne.
"Ce qui est arrivé à ce président, cela n'aurait jamais dû arriver".