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L'Agence mondiale antidopage (AMA) ne parle plus d'une seule voix sur la Russie : les premières fissures sont apparues entre des membres du mouvement olympique, qui s'interrogent sur le maintien des sanctions, et des gouvernements qui restent sur une position plus ferme.
Mercredi, lors d'un comité exécutif à huis clos, l'AMA a maintenu la suspension de l'agence nationale antidopage Rusada. Ce statut de "non conformité" au code mondial antidopage avait été décidé en novembre 2015, lors des premières révélations sur un dopage étendu dans l'athlétisme.
Aux yeux de l'AMA, même si Rusada a accompli de nombreux progrès vers une meilleure gouvernance, deux conditions ne sont toujours pas remplies: l'accès de ses enquêteurs au laboratoire antidopage de Moscou et une reconnaissance claire par les autorités russes des conclusions du rapport McLaren sur l'existence d'un système de dopage institutionnel entre 2011 et 2015, avec la complicité, entre autres, du ministère des Sports et des services secrets (FSB).
Des responsables russes ont déjà concédé que leur système de dopage avait échoué, mais Moscou n'a jamais reconnu un système institutionnalisé.
"Les discussions ont été tendues (au comité exécutif mercredi), car le mouvement sportif pousse pour une levée des sanctions", a indiqué à l'AFP l'un des participants, sous couvert d'anonymat.
Et cette tension a été perceptible jeudi, lors du conseil de fondation de l'AMA, qui réunit ses deux piliers, le mouvement olympique et les gouvernements.
"Nous avons des inquiétudes. (...) Ce que nous avons entendu hier" dans les interventions du mouvement olympique, "nous a donné l'impression qu'on voulait changer les règles du jeu", a lancé Amira El Fadil, qui représente l'Union africaine (UA).
"Oui nous avons des questions", a répondu le secrétaire général de la Fédération internationale de basket-ball (FIBA), Patrick Baumann, l'un des représentants du mouvement olympique.
- La boxe en question -
"Nous ne remettons pas en question la feuille de route" imposée à la Russie, "nous demandons juste pour combien de temps nous voulons la suivre, pour les 10 prochaines années, pour 20 ans, 30 ans ?", a-t-il demandé.
"Est-ce que nous demandons au chef de l'Etat de venir s'excuser devant le conseil de fondation ? (...) Nous ne pensons pas que ce soit approprié", a poursuivi Patrick Baumann.
Rusada reste pointée du doigt alors que la Russie s'apprête à accueillir la Coupe du monde de football (14 juin-15 juillet). Pour cette compétition, la FIFA a déjà fait savoir qu'"aucun Russe ne (serait) impliqué dans la mise en oeuvre du programme antidopage" et que les analyses auraient lieu hors de Russie.
Les conséquences sont encore plus concrètes dans l'athlétisme: le retour à la conformité de Rusada est en effet l'une des conditions pour que la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) autorise à nouveau la Russie à participer à ses compétitions, comme les championnats d'Europe, en août à Berlin.
Au sein de l'AMA, c'est le comité de révision de la conformité (CRC) au code mondial antidopage qui peut proposer des sanctions ou leur levée au comité exécutif. Le directeur général de l'AMA, Olivier Niggli, a expliqué qu'une nouvelle lettre des autorités russes devait être étudiée par ce comité de révision.
Le cas de la Fédération internationale de boxe (AIBA) a aussi été au centre de vifs débats lors du comité exécutif, selon plusieurs participants. Il devait encore être abordé par le conseil de fondation jeudi. Selon l'un des participants, le comité de révision a proposé que l'AIBA soit déclarée non conforme au code mondial antidopage, pour avoir attribué en 2017 à la ville russe de Sotchi les Championnats du monde en 2019, alors que la Russie était déjà mise à l'index.
Mais sur pression de certains membres du comité exécutif, la décision a été repoussée à plus tard.
En proie à une grave crise de gouvernance, l'AIBA est déjà dans le viseur du CIO, qui a menacé de retirer la boxe du programme olympique des JO de Tokyo 2020.