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D'une ferme du Kansas aux rangs de l'EI, le parcours déroutant d'une Américaine jihadiste

Comment passe-t-on d'une ferme du Kansas à la tête d'un bataillon féminin de l'Etat islamique ? La radicalisation de l'Américaine Allison Fluke-Ekren, rattrapée par la justice de son pays après des années au sein de l'organisation jihadiste, reste largement inexpliquée.

Cette mère de famille de 42 ans, tout juste transférée de Syrie, a comparu jeudi devant un juge fédéral à Alexandria, près de Washington, où elle est accusée d'avoir apporté "un soutien matériel à une entreprise terroriste".

Les cheveux couverts d'un voile noir, elle ne s'est pas exprimée lors de cette courte audience qui, hasard du calendrier, s'est tenue quelques heures après la mort du chef de l'EI, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, lors d'un raid américain en Syrie.

Sans entrer dans les détails du dossier, le magistrat a ordonné son maintien en détention.

Concrètement, la justice américaine reproche à cette ancienne institutrice d'avoir, entre 2014 et 2017, fomenté des projets d'attentats contre les Etats-Unis, dirigé une unité de femmes formées au combat et fourni divers "services", notamment de traduction à l'EI.

Appelée à la situer sur une échelle de radicalisation allant de un à dix, une personne l'ayant connue à cette époque a estimé qu'elle "sortait de la grille" et méritait un "11 ou 12", selon des documents versés à la procédure.

Une autre l'a vu entraîner des enfants à l'usage de fusils d'assaut AK-47 ou de ceintures explosives. Son propre fils, âgé de 5 ou 6 ans, a été vu une mitraillette à la main.

Rien pourtant ne semblait la destiner à un tel parcours.

- Pyramides -

Née Allison Brooks, elle grandit sur une ferme du Kansas, dans le centre des Etats-Unis. Bonne élève, elle se passionne alors pour les sciences et la photographie. Mariée dans une église méthodiste à la fin des années 1990, elle devient Mme Fluke et a deux enfants avant de divorcer.

Elle se remarie rapidement avec un homme nommé Volkan Ekren, sur lequel il existe peu d'informations.

En 2004, elle témoigne dans un article consacré à la scolarisation à domicile et pose avec un foulard musulman. Elle explique avoir sorti son fils et sa fille du système scolaire parce qu'elle était déçue de leurs résultats et souhaitait leur enseigner l'arabe.

En 2008, la famille part s'installer en Egypte. Sur son blog, Allison Fluke-Ekren chronique sa vie d'institutrice, leurs visites des pyramides, la naissance d'un nouveau garçon... Ses dernières publications datent de 2010.

Une ancienne amie, identifiée seulement par son nom Farouk, a expliqué sur la chaîne ABC avoir constaté sa radicalisation lors de ce séjour.

Perturbée par l'impact des printemps arabes et la crise des réfugiés, l'Américaine "était très favorable à l'Etat islamique qui, selon elle, faisait de bonnes choses pour aider les femmes et les enfants".

- Cheffe de katiba -

En 2011, Allison Fluke-Ekren part en Libye avec mari et enfants. Ils rejoignent la Syrie vers 2012 parce que, selon un témoin cité dans l'acte d'accusation, "elle veut s'engager dans le jihad".

Dès 2014, elle a complètement basculé.

Son époux est devenu sniper pour l'EI. Forte d'une connaissance des armes, acquise sur la ferme de ses parents, elle est chargée de former les autres femmes de combattants au rudiment des AK-47 et grenades.

Pour "venger" des enfants tués dans un bombardement, elle propose d'organiser un attentat dans une université américaine et se targue, devant témoin, d'avoir obtenu une promesse de financement des chefs de l'EI. Enceinte, elle renonce à ce projet.

Un peu plus tard, elle fomente un nouveau plan: s'en prendre à un centre commercial aux Etats-Unis. Cette fois, son mari la dissuade de passer à l'acte.

En 2016, il meurt dans un bombardement et, quelques mois plus tard elle est remariée à un autre combattant de l'EI, un Bangladais spécialiste des attaques par drones. Après son décès, elle épouse un autre membre du groupe, chargé de la défense de Raqa, selon l'acte d'inculpation.

En parallèle, "Oum Mohammed el Amikiri" - son nom de guerre - a pris la tête de la "Katiba Nussaïba", un bataillon de femmes prêtes à appuyer leurs époux sur le terrain.

Son parcours après la chute du califat en 2017 n'est pas connu, ni les conditions de son arrestation ou le sort réservé à ses enfants.

A son retour, les plus grands, majeurs, et ses parents ont demandé qu'elle ne les contacte pas.

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