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(Belga) Le principal parti d'opposition au Burundi, le Conseil national pour la liberté (CNL) d'Agathon Rwasa, a déposé jeudi devant la Cour constitutionnelle son recours contre le résultat de l'élection présidentielle du 20 mai donnant vainqueur le candidat du pouvoir, Évariste Ndayishimiye.
"Nous venons de déposer notre dossier de recours à la Cour constitutionnelle", a déclaré M. Rwasa à la sortie de la Cour, affirmant avoir "produit des preuves qu'il y a eu une fraude massive". "Il y a tellement d'irrégularités, il y a des erreurs monumentales qui se remarquent un peu partout dans le pays. Il n'y a pas de colline épargnée", a-t-il ajouté, promettant de se tourner vers la Cour de justice de l'Afrique de l'Est (EACJ) si ce recours était rejeté. M. Rwasa a plusieurs fois dit ne se faire guère d'illusions sur l'issue de la procédure. La Cour est la même que celle qui avait validé la réélection du président Pierre Nkurunziza en 2015. Son président, Charles Ndagijimana, est un ancien Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, utilisée depuis 2015 par le régime pour réprimer l'opposition. La Cour constitutionnelle a huit jours à compter du dépôt du recours pour se prononcer sur sa validité, avant de proclamer les résultats définitifs des élections présidentielle, législatives et communales du 20 mai. Si le recours de l'opposition est rejeté, M. Ndayishimiye sera investi en août pour un mandat de sept ans renouvelable une fois, à la fin du mandat du président sortant. Le général Ndayishimiye, candidat du CNDD-FDD, a été déclaré lundi vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), avec 68,72% des voix, très loin devant M. Rwasa (24,19%). Le CNL a aussitôt dénoncé une "mascarade électorale", dressant la longue liste des irrégularités commises selon lui par le pouvoir, qui aurait fait pression sur les assesseurs de l'opposition et les électeurs, et multiplié les fraudes. De nombreux témoins dans tout le pays et des journalistes burundais ont confirmé à l'AFP la validité de certaines de ces accusations. L'Église catholique leur a aussi donné du poids en disant mardi déplorer "beaucoup d'irrégularités quant à la liberté et la transparence du processus électoral ainsi qu'à l'équité dans le traitement de certains candidats et des électeurs". L'Église catholique, la première dans ce pays de quelque 11 millions d'habitants, avait déployé 2.716 observateurs le jour du scrutin. Aucune mission d'observation étrangère n'avait été accréditée par le gouvernement. Sa prise de position contraste avec un communiqué publié mercredi par les diplomates en poste au Burundi, qui appelle seulement les Burundais à résoudre leurs différends "à travers les procédures légales existantes", sans mention d'éventuelles irrégularités. La Chine, l'ONU et des pays africains comme le Kenya ou l'Afrique du Sud voulaient se contenter de féliciter le CNDD-FDD, quand d'autres, dont la France, la Belgique, l'Union européenne et les États-Unis, entendaient se montrer plus critiques, même s'ils sont prêts à collaborer avec M. Ndayishimiye, selon une source diplomatique ayant requis l'anonymat. Ce communiqué est le résultat d'un compromis a minima pour faire passer le message qu'ils "ne soutiendront pas toute partie qui voudrait recourir à la violence", a ajouté cette source. A New York, une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU a été demandée sur le Burundi par le Niger, membre non permanent, a-t-on appris jeudi de sources diplomatiques. L'objectif de cette rencontre est "de prendre acte" d'élections s'étant déroulées dans le calme et d'appeler à l'apaisement, selon les mêmes sources. Au pouvoir depuis 2005, Pierre Nkurunziza avait décidé de ne pas se représenter et avait adoubé le général Ndayishimiye, 52 ans, comme son "héritier". En 2015, la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat controversé avait plongé le pays dans une crise politique majeure, qui a fait au moins 1.200 morts et poussé à l'exode quelque 400.000 Burundais. (Belga)