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Près de Montceau-Les-Mines (Saône-et-Loire), dans un "camp d'irréductibles Gaulois" en gilets jaunes, on préfère rester vague au sujet de la mobilisation de samedi, même si pour l'heure peu envisagent de se rendre à Paris.
Ils sont ici depuis une semaine. Sur cet échangeur de Magny, la cinquantaine de militants présents vendredi ne bloquent pas, ne filtrent même pas.
Une partie du groupe est postée en permanence sur un pont à lancer des "coucou" aux camions qui passent sur la Route Centre Europe Atlantique (RCEA). Les autres reprennent des forces autour d'un feu de palettes.
A force de la piétiner, l'herbe a laissé place à la terre sombre de cet ancien bassin minier aujourd'hui sinistré. On sent un besoin de parler, d'expliquer le mouvement.
"Faut pas nous enfoncer, les médias !", exhorte Christophe Serrand, fonctionnaire de 52 ans. "Ici on est solidaire, il n'y a pas de leader, pas de politique, on est le peuple", dit-il à des journalistes de l'AFP.
Ces "gilets jaunes" sont particulièrement tatillons sur la question des chiffres relayés par la presse. "Les gens passent, là vous allez dire qu'on est une cinquantaine mais sur la journée on sera trois fois plus. Ce n'est pas en instantané", insiste un retraité qui ne veut pas donner son nom.
De fait, en cette matinée humide, par 4° et avec le brouillard comme seul horizon, les militants vont et viennent. Une aide-soignante passe avant de prendre son service à 14H00, un cycliste s'arrête quelques heures chaque jour... Un carreleur dépose des palettes récupérées sur les chantiers. "Je repasserai dans l'après-midi si j'ai le temps", promet-il.
Quelques minutes plus tard, une vieille dame ouvre sa portière et jette un gros sac. Baguettes, charcuterie, bananes et quatre-quarts. Un pique-nique roboratif : "c'est ma façon à moi de vous soutenir car je n'ai plus l'âge", lance-t-elle.
"On va rester le temps qu'il faudra", martèle Josette Berland "virée à 60 ans" et pilier du mouvement local, reconnaissable à son ciré jaune et ses après-ski.
- Référendum sur Macron -
L'Elysée vient d'annoncer qu'Emmanuel Macron dévoilera mardi un nouveau cap pour la transition écologique, de nouvelles mesures et des négociations sur tout le territoire pour la rendre "acceptable et démocratique", mais beaucoup s'impatientent.
"Ca fait une semaine et il n'a pas pris la parole. Par contre ça, il l'a prise pour défendre Ghosn. Il faut qu'il nous considère, qu'il nous respecte, qu'il récupère l'argent qu'il a donné aux riches", estime un père de famille, bonnet noir sur les oreilles.
"Pour moi, il n'y a qu'un référendum qui peut arrêter le mouvement. C'est ce que demande la porte-parole des gilets du Val d'Oise [interrogée jeudi sur BFMTV]. Qu'est-ce qu'elle parle bien", admire Bernard Moreau, retraité de 66 ans qui ne quitte pas son casque de vélo.
"Si l'Etat ne bouge pas, on part sur une guerre civile", assure Christophe Serrand, qui pointe aussi les "grands groupes capitalisés qu'on alimente avec nos achats". "On doit revoir notre mode de vie".
Les taxes, le carburant, c'était au début. Maintenant, leurs revendications sont multiples. Un vieux monsieur évoque notamment les migrants, "contre qui il n'a rien mais qu'on doit entretenir".
- Crainte des CRS et des casseurs -
Pour samedi, la discrétion s'impose. "On est tous d'accord, on dit rien", répondent en choeur ces "gilets jaunes". L'un d'entre eux compte aller à Paris en covoiturage, mais les autres semblent plutôt envisager de rester en Saône-et-Loire.
L'argument premier est le coût du déplacement, mais aussi le risque de débordements. "Il faut qu'on réussisse demain (samedi) à se faire entendre, mais comme il faut, et à Paris il risque d'y avoir de la casse", avance Jean-Michel Rocault, derrière ses petites lunettes carrées.
"Pas envie d'aller face aux CRS à Paris", abonde un autre retraité.
Pierre-Gaël Laveder, un des porte-parole du mouvement en Saône-et-Loire, rêve lui de "quelque chose de grandiose". Un défilé à pied sur la RCEA ? Peut-être. Cela dépendra aussi du nombre de "gilets" mobilisés. La semaine dernière, ils en ont compté 600.