Partager:
Bien qu'il perde des centaines de millions de dollars chaque trimestre, Uber espère atteindre une valorisation proche des 100 milliards de dollars en entrant sur les marchés boursiers, réalisant ainsi l'une des plus grosses entrées en Bourse de l'Histoire.
Ce chiffre est néanmoins inférieur aux prévisions les plus optimistes qui circulaient jusque-là --autour de 120 milliards-- vraisemblablement à cause des déboires de son concurrent américain Lyft dont les premiers pas à Wall Street fin mars se sont révélés décevants et qui, comme Uber, est très loin d'être rentable.
Alors que les deux concurrents avaient bataillé ferme pour se lancer en premier sur les marchés, il semble donc au final qu'Uber va pouvoir bénéficier de l'expérience difficile de son rival, en se montrant plus prudent quant à la valorisation attendue.
Introduite à 72 dollars sur le Nasdaq le 29 mars, l'action Lyft a depuis connu de grosses fluctuations. Des montagnes russes qui ont refroidi les ardeurs des investisseurs sur les autres grosses entrées en Bourse prévues cette année, à commencer par Uber.
Mercredi, plombée par les espoirs de valorisation d'Uber, Lyft a plongé de 10,85% pour finir à 60,12 dollars.
Le prix envisagé pour le moment par Uber se situe entre 48 et 55 dollars le titre, selon le Wall Street Journal mercredi, qui précise que les détails de l'opération devraient être rendus publics jeudi, avant une première cotation en mai.
Cette fourchette confèrerait à Uber une valorisation située entre 90 et 100 milliards de dollars, dont 10 milliards de dollars d'argent frais levés grâce à l'opération. Par comparaison, Facebook avait atteint un peu plus de 80 milliards de dollars de valeur boursière via son IPO ("Initial public offering") en 2012: c'était alors la plus grosse opération de l'Histoire pour une entreprise technologique américaine, selon le cabinet Dealogic.
"Même une valorisation entre 90 et 100 milliards représenterait une solide prime par rapport à sa dernière valorisation hors marchés (environ 76 milliards)", relève Matt Kennedy, analyste chez Renaissance Capital.
"Uber va forcément être lié à Lyft. Du coup, ils ne peuvent pas être trop exigeants en terme de valorisation, vu le niveau (du titre) de Lyft", poursuit-il, tout en relevant que Lyft pâtit peut-être précisément du fait que les investisseurs attendent de miser plutôt sur Uber.
- Troupeau de licornes -
En tout état de cause, une entrée en Bourse d'une telle ampleur sonnerait comme une revanche pour Uber et une marque de confiance des marchés pour son patron Dara Khosrowshahi, nommé en 2017 pour succéder au fondateur Travis Kalanick, poussé vers la sortie par des investisseurs inquiets des scandales.
Jouissant d'une image à l'opposé de son sulfureux prédécesseur, M. Khosrowshahi s'efforce depuis de redorer l'image d'Uber et d'assainir les finances d'un groupe qui a encore perdu 865 millions de dollars rien que sur les trois derniers mois de 2018.
Présent dans de très nombreux pays, Uber fait néanmoins toujours face à de gros défis, contesté par les taxis traditionnels ou poursuivi par des chauffeurs voulant se faire reconnaître comme salariés et non travailleurs indépendants.
Uber a racheté récemment son concurrent au Moyen-Orient Careem et a lancé mercredi ses vélos et trottinettes Jump à Paris.
Bien que Lyft et Uber perdent beaucoup d'argent, le secteur attire énormément les investisseurs, qui misent sur les changements d'habitude des consommateurs, de plus en plus enclins à abandonner la voiture personnelle au profit de modes de déplacement partagés. Ils parient aussi sur la conduite autonome, sur laquelle travaillent les deux firmes.
Parmi les IPO de "licornes" (entreprises non cotées valorisées à plus d'un milliard de dollars) les plus attendues, on trouve essentiellement des entreprises technologiques situées, comme Lyft et Uber à San Francisco, sur la côte Ouest des Etats-Unis: Slack (messagerie d'entreprise), Pinterest (partage de photos), Airbnb (location saisonnière)...
Parmi elles, échaudée par Lyft, Pinterest a semble-t-il déjà revu ses ambitions de valorisation à la baisse.
En outre, ces IPO ont une autre conséquence, hors des marchés financiers cette fois: l'injection de milliards frais dans ces entreprises fait craindre une nouvelle flambée des prix de l'immobilier de San Francisco, qui sont déjà parmi les plus élevés du monde.