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Des décennies de guerre et des attentats sanglants sont restés sans effet mais le nouveau coronavirus l'a fait: en Afghanistan, la pandémie force nombre de mariés à se contenter d'une cérémonie intime, loin des grandioses épousailles de rigueur.
Des invités parfois par milliers entassés dans d'immenses "wedding hall", ces salles de mariage ayant champignonné dans tout le pays, l'un des rares pans de l'économie afghane à ignorer la crise. De la nourriture servie à profusion. Robes chatoyantes et danses joyeuses pour les femmes. Etreintes viriles côté masculin.
En Afghanistan, les mariages constituent l'un des piliers de la vie sociale, et l'un des rares évènements à rassembler les deux genres, même s'ils célèbrent le moment dans des salles séparées.
Voisins, amis et lointaines connaissances sont conviés. Les époux s'endettent souvent de longues années pour l'occasion.
Mais avec la montée du Covid-19, qui a infecté plus de 7.000 personnes dans le pays, pour moins de 200 morts, des chiffres très vraisemblablement sous-estimés faute de capacités de dépistage et de soins, ces épousailles taille XXL semblent désormais appartenir au passé.
Latif Faramarz, "fiancé depuis deux ans", "avait l'intention de (se) marier fin mars", raconte-t-il à l'AFP. Quelque 15.000 dollars avaient été budgétisés pour accueillir au mieux 1.200 invités. Mais les salles de mariage ont fermé en mars en raison du nouveau coronavirus.
"Maintenant, je vais avoir une fête plus petite à cause de la menace du virus", observe cet étudiant en droit de 26 ans, qui ne conviera plus que 40 à 50 proches.
L'argent économisé sera dépensé utilement: Latif Faramarz veut poursuivre son cursus à l'étranger avec sa femme. "L'éducation est le meilleur outil pour gravir les échelons et réussir", affirme-t-il.
- 'Rêves brisés' -
Shir Ahmad - qui a demandé à utiliser un pseudo -, voulait de son côté "faire un mariage extravagant, comme (ses) autres frères". "Mais mes rêves ont été brisés par ce virus", déplore-t-il.
La cérémonie se tiendra vraisemblablement dans la maison familiale, avec 80 invités au lieu d'un millier. L'argent mis de côté sera donné aux "pauvres de Kaboul". "Cela ne vaut pas la peine d'organiser une grande fête comme je l'avais souhaité", réfléchit-il.
Les histoires du genre se multiplient. Le Covid-19 a des conséquences que même les attentats sanglants contre des mariages, comme celui d'août 2019 à Kaboul, qui avait fait plus de 80 morts, n'avaient pas entraînées.
L'industrie du mariage "souffre", regrette Nadir Qarghayee, qui dirige l'Union des wedding halls de la capitale afghane.
Dans cette ville de plus de 5 millions d'habitants, quelque 124 structures du genre sont recensées, qui emploient près de 15.000 personnes, remarque-t-il.
"C'est un coup économique très dur pour toutes les salles de mariage. Elles n'ont pas fonctionné depuis près de deux mois, mais elles continuent de payer le loyer et les salaires du personnel alors qu'elles n'ont pas de revenus", poursuit M. Qarghayee.
Faute de salles de mariage, les unions à domicile restent la seule solution. Mais elles sont ciblées par la police, qui fait respecter strictement le confinement de la ville.
"Le gouvernement pourrait prendre des mesures contre nous si nous organisons la cérémonie et que les gens se rassemblent", s'inquiète Ghulam Sarwar, qui retarde son mariage depuis des mois. "Je peux faire ma fête maintenant, mais je pense que personne ne viendra."