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"On est des lanceuses d'alerte": le collectif derrière le décompte

Le décompte effectué par le collectif féministe "Féminicides par compagnons ou ex" a servi de base au travail des journalistes de l'AFP, qui ont analysé toutes les affaires de féminicides présumés de l'année. Lisa (prénom d'emprunt) est l'une des quatre animatrices bénévoles du collectif.

QUESTION: Quand et pourquoi avez-vous commencé ce décompte ?

REPONSE: Nous avons commencé en 2016, sur le modèle de ce qui se faisait déjà dans certains pays d'Amérique du Sud ou aux Etats-Unis. D'abord dans un groupe militant féministe fermé, puis sur les réseaux sociaux. Le ministère de l'Intérieur publiait ses chiffres tous les ans, mais on trouvait que ces femmes étaient complètement anonymes. Dire une fois par an "une femme meurt tous les trois jours", "une femme meurt sous les coups de son conjoint"... ça donnait l'impression que c'était la fatalité, un peu comme les accidents de voiture.

A l'époque on ne trouvait les infos que dans des petits médias locaux. Avec les réseaux sociaux, on s'est dit qu'on allait rendre ces femmes visibles, que le public puisse savoir ce qu'il se passe en temps réel. En mars 2018, on a été contactée par Caroline de Haas, qui nous a proposé de nous relayer via (le collectif féministe) #Noustoutes. En quelques semaines, on a doublé le nombre de nos abonnés, de 10.000 à 20.000, et les médias ont commencé à s'intéresser à nous.

Q : Comment travaillez-vous et quel est selon vous votre rôle ?

R : On ne recense que ce qu'il y a dans les médias. On a d'abord fait une revue de presse tous les matins, mais maintenant ce sont nos abonnés qui nous alertent. Au final, notre chiffre est peu ou prou celui du gouvernement, à quelques cas près.

On se considère comme des lanceuses d'alerte. Mais on souhaite rester anonymes pour qu'on ne nous harcèle pas pour nous pousser à arrêter, comme c'est arrivé à des militantes féministes qui dérangeaient. On a d'ailleurs reçu quelques menaces de familles des auteurs (de féminicides).

Des familles de victimes se sont rencontrées sur notre page et ont fini par créer une association (en octobre, l'Union nationale des familles de Féminicide, UNFF). Au départ elles ne savaient pas à qui s'adresser, maintenant elles s'échangent des conseils et sont aidées par une avocate spécialisée et même des policiers.

Q : On n'a jamais autant parlé des féminicides qu'aujourd'hui. Avez-vous l'impression que les choses progressent ?

R : Ca y est, le public est sensibilisé. Les gens ont pris conscience qu'un meurtre arrive tous les quelques jours. Ils se disent: "ça peut arriver en bas de chez moi, voire dans ma famille".

Mais il faut aussi dire pourquoi des hommes tuent: parce qu'ils ont reçu une éducation machiste, misogyne, et de haine des femmes que la société renvoie systématiquement à un statut d'objet - sexuel, domestique, publicitaire... Donc ils pensent que c'est normal de s'approprier les femmes, d'autant que la justice ne les condamne pas suffisamment.

Tant qu'on ne prendra pas des mesures vraiment dissuasives contre la violence masculine, en suivant les hommes signalés, en soignant les hommes violents, on aura encore et encore des féminicides. Si ces hommes n'étaient pas violents, on n'aurait pas besoin de protéger les femmes.

Tout ça va prendre beaucoup de temps, mais il y a en ce moment une petite accélération en faveur des droits des femmes, comme avec l'affaire d’Adèle Haenel par exemple. Les femmes se mettent à dénoncer des choses. Il y a un flot qui nous entraîne toutes, et on est assez optimistes. On est en train de lancer quelque chose qui ne va plus s'arrêter.

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