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Un nouveau front dans l'affaire du financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007: la "papesse" des paparazzis Mimi Marchand et un journaliste de Paris Match ont été placés jeudi en garde à vue sur des soupçons de "subornation de témoin" concernant l'intermédiaire Ziad Takieddine, celle du second s'achevant dans la soirée.
La garde à vue du journaliste de Paris Match François de Labarre "a été levée", a indiqué jeudi soir à l'AFP son avocat Me Christophe Bigot. "Sans aucune mise en examen, ni convocation chez le juge d'instruction", s'est-il félicité.
Celle de de la patronne de BestImage, Michèle Marchand, surnommée "Mimi", a été prolongée de 24 heures, a indiqué une source proche du dossier.
Ces deux gardes à vue avaient débuté tôt jeudi matin à Nanterre à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclciff), sur demande de deux juges d'instruction financiers parisiens, ont indiqué des sources proches du dossier à l'AFP, confirmant des informations de Mediapart.
Cette enquête porte sur des soupçons de "subornation de témoin" et "association de malfaiteurs" relatives à un entretien accordé en novembre dernier par Ziad Takieddine au journaliste de Paris Match, qui s'était rendu au Liban avec un photographe de BestImage, selon cette source.
Les domiciles de Mimi Marchand et de François de Labarre ont fait l'objet jeudi de perquisitions, selon les sources proches du dossier.
Sollicité par l'AFP, le parquet national financier avait répondu dans l'après-midi ne pouvoir "communiquer aucune information à ce stade". L'avocate de Mimi Marchand, Me Caroline Toby, n'a pas non plus souhaité commenter l'information.
La mesure de coercition visant le journaliste avait suscité l'indignation de la directrice de publication de l'hebdomadaire, Constance Benqué, qui avait dénoncé une "arrestation contraire à tous les principes démocratiques", tandis que le secrétaire général de Reporters sans Frontières, Christophe Deloire, avait évoqué "un procédé judiciaire déplorable, à l'évidence disproportionné".
Dans l'entretien de novembre au cœur de cette nouvelle enquête, qui avait également fait l'objet d'une diffusion vidéo sur BFMTV, M. Takieddine avait retiré ses accusations contre l'ex-chef de l'Etat. "M. Sarkozy n'a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle, ni M. Kadhafi ne pouvait le faire parce qu'il ne le faisait jamais", avait-il notamment déclaré.
"La vérité éclate", avait immédiatement triomphé l'ancien chef de l’Etat (2007-2012), avant d'accorder deux jours plus tard un rare entretien à BFMTV en disant sa "colère" d'avoir été "traîné dans la boue".
- Volte-face -
L'entretien de M. Takieddine avait été publié peu après son incarcération au Liban dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée contre lui. Le quotidien Libération avait évoqué en mars des mouvements de fonds suspects, évoquant de possibles tractations en marge de l'interview.
Selon Mediapart, c'est "cette procédure qui a fait apparaître des négociations souterraines avec M. Takieddine visant à obtenir sa rétractation dans le dossier libyen".
Deux mois plus tard, interrogé le 14 janvier à Beyrouth par les juges d'instruction Aude Buresi et Marc Sommerer chargés du dossier libyen, l'intermédiaire, connu pour sa versatilité, avait déclaré qu'il ne "confirm(ait) pas les propos" de l'entretien.
Tout en confirmant le verbatim issu des vidéos, M. Takieddine a ainsi prétendu dans cet interrogatoire, dévoilé par l'AFP, que ses propos de novembre avaient été "déformés" par Paris Match, qui "appartient à un ami de Sarkozy".
L'hebdomadaire est propriété du groupe Lagardère, dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil de surveillance.
Devant les magistrats, en janvier, M. Takieddine est donc revenu à sa première version, selon laquelle la campagne présidentielle 2007 de M. Sarkozy avait reçu l'apport de fonds libyens. Tout en insistant sur le fait que lui n'y était pour rien.
Peu après l'entretien à Paris Match et BFMTV, le procureur national financier Jean-François Bohnert avait souligné dans un communiqué que les mises en examen de Nicolas Sarkozy dans cette enquête confiée à des juges en 2013 ne s'appuyaient pas seulement sur les déclarations de M. Takieddine.
Depuis, l'enquête se poursuit.
Le 13 avril, Claude Guéant, l'ex-bras droit de Nicolas Sarkozy, a ainsi vu sa mise en examen pour "corruption passive", prononcée en septembre 2018, élargie à de nouveaux soupçons autour d'une montre de valeur qui lui aurait été offerte par un autre suspect clé de l'affaire, l'intermédiaire Alexandre Djouhri, en échange d'"interventions en sa faveur" auprès d'EADS (devenu Airbus Group) et du ministère du Budget concernant une dette fiscale d'une de ses sociétés.