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Le leader de la France insoumise, parti français de gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, a "proposé" dimanche soir sur TF1 sa candidature à l'élection présidentielle de 2022, à condition toutefois de réunir "150.000 signatures de parrainage". "Je suis prêt. Je propose ma candidature mais à une condition (...), je serai candidat définitivement si et seulement si j'ai recueilli 150.000 signatures de parrainage", a-t-il déclaré au journal de 20 heures. "A ce moment-là, je me sentirai investi par le peuple", a ajouté le président des députés Insoumis, déjà candidat en 2012 et 2017.
Il a précisé qu'aucun autre Insoumis n'avait souhaité être candidat. M. Mélenchon est le troisième candidat déclaré pour 2022 après la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, et le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan.
"Quand tout va mal, et que cela semble nuit noire pour beaucoup de monde qui ne trouvent pas leur compte dans cette société, il faut allumer une lumière", a dit Jean-Luc Mélenchon, en référence au contexte sanitaire et sécuritaire difficile en France. "Mon intention est de déconfiner les esprits et d'aider à se projeter sur l'avenir", a-t-il scandé, affirmant que 2022 était pour le pays "le moment de changer" de trajectoire.
Le député des Bouches-du-Rhône, 69 ans, a promis que sa candidature ne serait "pas qu'un homme, mais aussi un programme (...) dont la philosophie est l'harmonie entre êtres humains et avec la nature".
Fragilisé depuis deux ans?
Tantôt tribun respecté et rassembleur, tantôt meneur tempétueux et clivant: les multiples facettes de Jean-Luc Mélenchon ont nourri une carrière politique riche de quatre décennies, dont le plus grand défi sera de gagner la présidentielle de 2022.
Malgré ses 69 ans, la vie du chef des Insoumis n'a peut-être jamais été aussi mouvementée que depuis sa quatrième place à la présidentielle de 2017 (19,58%). En témoignent récemment encore les accusations d'islamo-gauchisme essuyées de la part de la droite et d'une partie de la majorité à la suite des attaques jihadistes en France.
Habituellement peu enclin à laisser transparaître de faiblesse, Jean-Luc Mélenchon a alors semblé accuser le coup, indigné de voir son attachement à la République remis en cause.
Le sujet est particulièrement sensible chez l'Insoumis depuis la perquisition au siège parisien de son mouvement, en octobre 2018. Sa réaction colérique, ponctuée par le désormais célèbre "La République c'est moi", et les bousculades qui ont mêlé ses troupes aux forces de l'ordre et à un magistrat, ont durablement atteint son image dans les enquêtes - en plus de lui valoir une condamnation pour rébellion.
Cette blessure est d'autant plus cruciale dans la trajectoire récente de Jean-Luc Mélenchon qu'elle l'a amenée à adopter un discours de plus en plus anti-système, féroce critique d'une police et d'une justice qui seraient instrumentalisées par le pouvoir.
"Son côté paranoïaque a pris le dessus et il s'est entêté dans un discours politique étriqué", cingle un ancien compagnon de route, qui a claqué la porte du mouvement.
J'ai souvent entendu 'Mélenchon est fini' mais c'est un lutteur
Les reproches en autoritarisme ont fusé entre 2018 et 2019, quand plusieurs cadres ont contesté le manque de collégialité dans les décisions stratégiques.
"Il est tout sauf sectaire", objecte pourtant un ami de longue date sous couvert d'anonymat. "Il adore la contradiction et le débat. Au parlement il est copain avec des gens de droite. Mais c'est vrai qu'il peut aussi être dur, renforcé par la conviction que l'époque est à la radicalité".
La campagne de 2017, qui se voulait apaisée et rassembleuse, paraît bien loin, même si le député Alexis Corbière, fidèle parmi les fidèles, l'assure: "Jean-Luc Mélenchon reste l'instituteur de la grande cause républicaine et sociale".
L'élu de Seine-Saint-Denis souligne sa résilience: "J'ai souvent entendu 'Mélenchon est fini' mais c'est un lutteur, un agitateur d'idées, capable de capter les attentions. On est d'accord avec lui ou pas mais tout le monde reconnaît la profondeur de ses analyses, qui font appel à l'intelligence de celui qui écoute".
Trotsky et Mitterrand
La vie de Jean-Luc Mélenchon est émaillée de ruptures, rappelle Emmanuel Maurel, eurodéputé allié à La France insoumise, qui le connaît depuis ses 20 ans et son stage auprès du cabinet du sénateur.
"Lors du traité constitutionnel européen en 2005, il fait campagne publiquement contre son propre parti. Cela lui a valu beaucoup d'inimitiés mais l'a aussi conforté dans l'idée qu'il pouvait exister sans le Parti socialiste".
Trois ans plus tard, en 2008, il quitte Solférino pour fonder le Parti de gauche, avant-garde de sa candidature présidentielle de 2012 et d'une synthèse entre gauche radicale et écologie.
Avant de remettre sa stratégie sur le métier pour l'élection de 2017 en fondant La France insoumise, mouvement censé brasser plus large que les seuls partis, et en embrassant la méthode populiste opposant le peuple et une oligarchie.
Tourner la page et reconstruire, c'est une caractéristique de celui qui cherche à s'inspirer tout autant de l'intransigeance idéologique d'un Léon Trotsky que du génie tactique de François Mitterrand.
Récemment, son évocation du concept de "créolisation", emprunté au poète Edouard Glissant, témoigne de sa volonté de rester en phase avec les mutations de la société.
Sa carrière est pourtant l'une des plus longues de la Ve République. Philosophe de formation et admirateur de Robespierre, il adhère au Parti socialiste en 1977. Il est élu conseiller municipal de Massy (Essonne), conseiller général puis sénateur de l'Essonne. Entre 2000 et 2002, il est ministre délégué à l'Enseignement professionnel dans le gouvernement Jospin. Après avoir été eurodéputé, il entre au Palais Bourbon et devient président du groupe des députés France insoumise en 2017.