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Grayson Perry ne fait rien comme tout le monde: robe à col claudine et visage lourdement fardé, le Britannique secoue le monde de l'art depuis des années avec ses céramiques provocantes et les tenues hautes en couleur de son alter ego féminin, Claire.
"Se travestir en femme n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant en moi", affirme l'artiste de 58 ans, archi-connu outre-Manche, où il anime des émissions de télévision et a reçu le Turner Prize, une des plus hautes récompenses de l'art contemporain.
C'est vêtu en femme, et plus précisément en petite fille, portant barrette dans les cheveux et tenues criardes à volants, qu'il a accepté en 2003 ce prix ayant récompensé des artistes comme Anish Kapoor ou Gilbert & George.
"Le plus intéressant, c'est mon travail. Le reste, c'est la cerise sur la gâteau", souligne le Londonien, à l'honneur pour la première fois en France à travers l'exposition "Vanité, identité, sexualité" (à partir de vendredi) à la Monnaie de Paris.
Marié à une psychothérapeute, père de famille, Grayson Perry aime à se raconter: de son enfance avec un beau-père violent à ses premières expériences de travestissement à 12 ans en passant par la fabrication de ses robes, il n'élude rien.
Et pourtant, "je cache ma sincérité et la profondeur de mes émotions comme ont l'habitude de le faire les Anglais", dit-il.
Son travail comme sa personne invitent à aller au-delà des apparences et à s'interroger sur les représentations. Sans surprise, l'identité masculine est un de ses sujets fétiches. Il aborda le thème dans son programme télévisé "Who are we ?" diffusé sur Channel 4 puis dans son livre "The descent of man", sorti en 2016.
- Décoratif et politique -
"Il est temps que les hommes se taisent et écoutent un peu", estime celui qui invite aussi ses pairs à baisser la garde et à travailler sur leurs émotions.
Ses oeuvres (céramiques, tapisseries, sculptures) sont à la fois pop et grinçantes, avec pour personnage récurrent Alan Measles, son ours en peluche, qui est aussi son avatar sur Twitter. Sur le réseau social, Grayson Perry se décrit comme producteur, travesti, conférencier, fan de peluches, accro à la télévision et amateur de deux roues.
"Je suis tout cela à la fois". Et notamment un talentueux céramiste, l'activité qui l'a fait connaître et lui a valu le Turner Prize. "Il était temps qu'un potier travesti (le) remporte", avait-il lancé, dans l'enceinte de la Tate Britain, en recevant la récompense.
C'est dans les années 80 que Grayson Perry, tournant le dos à sa famille et à son Essex natal, se lance dans la céramique, dont il va se servir pour décrire des scènes souvent à caractère sexuel ou en lien avec l'enfance.
La céramique, "c'est le voisin d'à côté, c'est provincial" pour le monde de l'art, s'amuse Grayson Perry, qui aime se distinguer sans pour autant être à l'avant-garde.
"Mon travail est à la fois décoratif, politique, humoriste et traditionnel car je copie souvent des objets vus dans les musées", explique-t-il.
A l'image de ces immenses tapisseries revisitées où en anthropologue, il analyse les comportements de ses concitoyens.
Excédé par le Brexit - "une perte de temps et d'argent, personne n'y gagne rien, gronde-t-il" -, il a lancé en janvier 2017 un appel au public pour l'aider à créer des vases représentant les partisans du maintien dans l'UE et ses opposants.
Au final, cela a donné naissance à "Matching Pair", deux vases de loin assez semblables, sur lesquels apparaissent Nigel Farage, Gary Lineker mais aussi du bacon et des tasses de thé, signe peut-être que les deux camps ont plus en commun qu'ils veulent bien le croire.