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Centre médical dédié, salles de gym, salle d'opération: l'armée américaine a modernisé le centre de détention de Guantanamo pour l'adapter à des prisonniers vieillissants qui ont de grandes chances d'y finir leurs jours, donnant à la célèbre prison controversée des airs de service gériatrique.
Un déambulateur est glissé dans le coin d'une chambre du centre médical flambant neuf que les militaires américains ont fait visiter cette semaine à un petit groupe de journalistes.
Le lit médicalisé ressemble à tous les autres, la chaise roulante et l'équipement médical de la chambre aussi. Seule différence, l'absence de fenêtre, remplacée par une lucarne en verre dépoli, et un grillage en guise de cloison. De l'autre côté du couloir, un fauteuil percé.
Le plus vieux des 40 prisonniers actuellement détenus sur la base militaire de Guantanamo Bay, à la pointe sud-est de l'île de Cuba, a 71 ans. Le plus jeunes a 37 ans et la moyenne d'âge des détenus est de 46 ans.
Les Etats-Unis, qui les accusent d'avoir participé à divers attentats, notamment ceux du 11-Septembre, les considèrent comme trop dangereux pour être libérés et l'un d'eux a été condamné l'an dernier à la détention à perpétuité.
Conscients que ces détenus ne partiront plus, les Etats-Unis ont décidé de pérenniser la prison de Guantanamo et le Pentagone a ordonné au commandant de la force opérationnelle qui la dirige, l'amiral John Ring, de s'assurer qu'elle puisse rester ouverte pendant encore 25 ans.
"On a beaucoup réfléchi à la façon de se préparer à accueillir une population de détenus âgés et aux infrastructures qu'il fallait mettre en place pour le faire en toute sécurité et de façon humaine", explique le capitaine Anne Leanos, porte-parole du centre de détention.
Avec un budget de 12 millions de dollars, une annexe de la prison a été transformée en hôpital de campagne dernier cri avec une salle d'opération et une salle de radiologie équipée d'un scanner IRM, ainsi qu'une salle d'urgence et de soins intensifs de trois lits.
Pour faire tourner cette clinique, l'armée déploie pour des rotations de 6 à 9 mois trois médecins, un assistant thérapeute, trois psychiatres et 11 infirmières, explique le médecin-chef de l'établissement, dont l'identité n'est pas révélée pour des raisons de sécurité.
Le centre médical qui a ouvert en mars 2018 est désert ce jour-là, mais le médecin-chef l'assure, il est opérationnel.
Aucun détenu n'a aujourd'hui besoin d'une chaise roulante, mais tout est prévu si le besoin survient: le centre médical est équipé de rampes d'accès.
Les patients souffrent de maladies fréquentes à leur âge: diabète, hypertension, maladies gastro-intestinales, troubles moteurs, explique le médecin militaire.
Au premier étage, le service psychiatrique est équipé de deux cellules converties en chambres de consultation. Une troisième cellule, entièrement vide, est capitonnée: c'est la chambre d'isolement où l'on place temporairement les détenus victimes d'une crise psychotique.
Comme les autres militaires déployés à Guantanamo, les psychiatres de la prison ne restent en général que 9 à 12 mois sur place, ce qui limite la portée de leurs interactions avec les détenus.
Depuis l'ouverture de la prison de Guantanamo en 2002, 9 détenus sont morts sur place, dont 7 se sont suicidés. Un prisonnier a succombé à un cancer et un autre à une crise cardiaque.
Aucune information n'est donnée sur l'état de santé de chaque détenu mais les journalistes présents apprennent au détour d'une phrase qu'"un prisonnier modèle observe en ce moment un jeûne non religieux", l'euphémisme choisi par les responsables de la prison pour les grèves de la faim que les prisonniers observent régulièrement en signe de protestation.
Car si les années passant, les prisonniers de Guantanamo se sont pour la plupart apaisés, ils se rebellent encore.
Ainsi, un prisonnier est sous le coup de mesures disciplinaires à l'issue d'un incident avec les gardiens, indique l'amiral John Ring.
"Beaucoup de ces messieurs sont encore en guerre avec les Etats-Unis", explique-t-il. "Ils poursuivent la guerre par le biais de ces petits actes de résistance."