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Pékin célébrera mardi en fanfare le 70e anniversaire du régime communiste chinois, mais à l'autre bout du pays les manifestations à Hong Kong en faveur de la démocratie pourraient gâcher la fête.
Alors que le président Xi Jinping se prépare à admirer un énorme défilé militaire depuis la porte Tiananmen à Pékin, la colère continue de monter dans l'ancienne colonie britannique.
Le territoire autonome traverse depuis plus de trois mois sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Les actions et rassemblements - parfois violents - y sont quasi quotidiens pour dénoncer un recul des libertés et demander des réformes démocratiques.
"On peut dire sans trop se tromper que les manifestations de Hong Kong gâchent déjà la fête du parti (communiste) avant même qu'elle ne commence", estime Kong Tsung-gan, auteur du livre "Un parapluie: un conte politique de Hong Kong" ("Umbrella, a political tale from Hong Kong", non traduit en français).
- Feu d'artifices annulé -
Dimanche, des affrontements ont à nouveau opposé police et manifestants dans le centre-ville à coups de grenades lacrymogènes.
Samedi, des dizaines de milliers de manifestants pro-démocratie étaient déjà dans la rue pour marquer le cinquième anniversaire du début du "Mouvement des Parapluies", précurseur de la mobilisation actuelle. Et mardi, au moment où des chars défileront devant Tiananmen, les manifestants hongkongais promettent de nouvelles actions.
"Les images envoyées au monde ne seraient (alors) pas celles de la Chine faisant la fête, mais de Hong Kong en train de brûler. Cela ternirait l'image de stabilité et de prospérité que l'appareil de propagande chinoise veut projeter", prévient à Hong Kong le journaliste et commentateur politique Michael Chugani.
La mobilisation est née de l'opposition à un projet de loi hongkongais qui devait autoriser les extraditions vers la Chine. Si le texte a été enterré, les revendications se sont considérablement élargies. Les militants pro-démocratie accusent Pékin d'augmenter son emprise politique sur le territoire et réclament un véritable suffrage universel.
En se rassemblant le 1er octobre, les manifestants de Hong Kong tenteront de "souligner la différence entre la Chine dictatoriale et Hong Kong libre", estime Willy Lam, politologue à l'Université chinoise de Hong Kong.
En vertu du principe "un pays, deux systèmes", Hong Kong jouit de certains droits inconnus ailleurs en Chine, notamment la liberté d'expression, l'accès à un internet non censuré et un système judiciaire indépendant. Mais ce principe, qui a présidé à la rétrocession, expirera en 2047.
Compte tenu de l'agitation ambiante, le gouvernement hongkongais a préféré annuler le feu d'artifices sur le front de mer prévu pour la fête nationale.
- "Forces extérieures" -
La très contestée cheffe de l'exécutif local, Carrie Lam, sera à Pékin le 1er octobre pour assister au défilé militaire géant, alors que le pouvoir chinois continue à la soutenir bec et ongles face aux manifestants.
Un autre responsable hongkongais est arrivé à Pékin dimanche: un policier célébré en héros sur les réseaux sociaux de Chine continentale pour avoir sorti son arme de poing en juillet alors qu'il était menacé par des manifestants.
Interrogé par la presse, il a confié son impatience d'assister mardi au défilé militaire.
Depuis le début de l'agitation, Pékin a laissé planer le doute quant à une possible intervention pour tenter de ramener le calme dans le territoire autonome.
Le pouvoir central a également tout fait pour discréditer les manifestants, dépeints comme des émeutiers soutenus par des "forces extérieures". Objectif recherché: éviter tout sentiment de solidarité de l'opinion publique continentale avec les manifestants et leurs idées contestataires.
Mais cette stratégie n'est pas totalement couronnée de succès, estime le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l'Université baptiste de Hong Kong.
Fin août, des Chinois du continent ont participé à Hong Kong à une chaîne humaine en soutien au mouvement pro-démocratie. Parmi eux figurait une jeune femme de 25 ans, originaire de Pékin, rencontrée par l'AFP.
"Je comprends pourquoi ils font ça", déclare-t-elle à propos des manifestants hongkongais. "Ils ont perdu espoir dans le système, ils ne font pas confiance au gouvernement".
"J'aimerais que nous aussi nous ayons la liberté de ne pas avoir peur", explique-t-elle, sous couvert d'anonymat par crainte de représailles.