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Des affrontements mercredi entre forces de l'ordre et partisans de l'opposition ont fait au moins six morts et plusieurs centaines de blessés dans la capitale indonésienne placée sous haute sécurité au lendemain de l'annonce officielle de la réélection contestée du président Joko Widodo.
Près de 70 manifestants ont été arrêtés à Jakarta selon la police, qui a appelé au calme les partisans du candidat battu Prabowo Sunbianto refusant de reconnaître sa défaite. Mais les accrochages continuaient mercredi soir entre les forces de l'ordre et des milliers de manifestants qui défilaient en agitant des drapeaux.
Des manifestants ont jeté des pétards et des pierres sur les forces anti-émeutes massées derrière des fils barbelés près de l'agence de supervision des opérations électorales.
Certaines fonctionnalités des réseaux sociaux, comme le partage de vidéo et de photo, ont été bloquées pour limiter la propagation de rumeurs et d'infox, a indiqué le ministre coordinateur de la Sécurité Wiranto.
Le chef de la police indonésienne Tito Karnavian a confirmé que six personnes avaient été tuées mais souligné que la police n'avait pas utilisé de balles réelles contre les manifestants.
Certaines victimes "ont des blessures par balle, d'autres des chocs mais nous devons encore clarifier cela", a-t-il expliqué à des journalistes en se basant sur des informations du service médical de la police.
Le gouverneur de Jakarta Anies Basdewan a fait état de 200 blessés en début de journée.
Les affrontements entre partisans de l'opposition et la police ont débuté dans différents points de la capitale dans la nuit de mardi à mercredi après l'annonce surprise la veille des résultats officiels de l'élection présidentielle confirmant la victoire de Joko Widodo face à l'ex-général Prabowo Subianto.
Des forces anti-émeutes ont utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser des manifestants qui lançaient des pierres et des feux d'artifice en direction de la police.
D'autres manifestants ont mis feu à des étals de marchands et plus d'une dizaine de véhicules ont été incendiés, ont constaté des photographes de l'AFP. Certains quartiers étaient jonchés de débris après des altercations avec la police.
"Je suis ouvert à tous pour travailler ensemble à bâtir et développer cette nation, mais ne tolèrerai pas que l'on essaye de perturber la sécurité publique ou l'unité (...) de notre pays", a indiqué Joko Widodo au cours d'une conférence de presse.
- "Le chaos" -
Prabowo Subianto a de son côté appelé ses partisans à ne pas utiliser la violence. "Nous soutenons le droit constitutionnel des gens (à manifester) tant qu'ils sont civilisés, pacifiques et non violents", a-t-il déclaré.
Plusieurs ambassades ont appelé leurs ressortissants à ne pas se rendre dans le centre de la capitale où les forces de police ont bloqué des routes menant vers la commission électorale (KPU) et l'organe de supervision électorale (Bawaslu).
Une importante station de train desservant le centre-ville a été fermée, ainsi que des centres commerciaux, des entreprises et des écoles par mesure de précaution.
"Il y a eu des fraudes au cours de l'élection présidentielle. Nous ne voulons pas le chaos mais ça dépendra de la police. Si elle nous réprime il y aura le chaos", a averti Mato, un manifestant de 31 ans.
Comme tout au long de la campagne, des infox circulaient sur les réseaux sociaux. Une photo particulièrement partagée montre des membres des forces de l'ordre aux yeux bridés avec un commentaire affirmant qu'il s'agit de "policiers chinois" qui n'hésitent pas à tirer sur les manifestants jusque dans les mosquées.
"On prétend que des officiers de la police mobile sont étrangers parce qu'ils ont des yeux bridés. Ce n'est pas vrai. Ils sont Indonésiens", a insisté le porte-parole de la police Mohammad Iqbal.
Plusieurs alliés du candidat battu ont été placés en détention, notamment un commandant des forces spéciales qui a tenté de fournir des armes à des manifestants, a indiqué le gouvernement.
Une manifestation pacifique rassemblant des centaines de partisans de l'opposition s'est déroulée à Medan sur l'île de Sumatra, tandis que des heurts et l'incendie d'un poste de police ont été signalés à Pontianak sur l'île de Borneo.
Plus de 30.000 membres des forces de l'ordre avaient été déployés dans la capitale en prévision de la publication des résultat de l'élection très disputée.
La commission électorale indonésienne a proclamé mardi le président sortant Joko Widodo vainqueur de l'élection avec 55,5% des voix, contre 44,5% pour son adversaire, l'ex-général Prabowo Subianto.
Mais ce dernier met en cause depuis le scrutin du 17 avril le comptage des voix et dénonce des fraudes, non confirmées par l'organe de supervision électorale indonésien ou par les observateurs indépendants.