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Plus de 400 millions d'électeurs dans les pays de l'UE sont appelés aux urnes du 23 au 26 mai pour élire un nouveau Parlement européen, où les partis populistes devraient enregistrer une nouvelle poussée, portés par la question brûlante de l'immigration.
Les forces hostiles à l'UE seront cependant loin de remporter une majorité, d'après les sondages. Mais ils vont contribuer au chamboulement des équilibres historiques de l'hémicycle européen, dominé de manière quasi-ininterrompue depuis 1979 par les deux grands partis de la droite et de la gauche pro-européennes.
Ironie de l'histoire: le vote commencera au Royaume-Uni, forcé de participer au scrutin car son accord de divorce avec l'UE n'a toujours pas été ratifié. Il se terminera dimanche, avec le passage dans l'isoloir des électeurs de grands pays comme l'Allemagne, la France, l'Italie ou l'Espagne.
Les scores des partis d'extrême droite du Rassemblement national de Marine Le Pen en France, de La Ligue de Matteo Salvini en Italie et du parti du Brexit de l'europhobe Nigel Farage au Royaume-Uni seront particulièrement scrutés.
- "Irradiation" de l'extrême droite -
Considérées par les politologues comme des "élections-défouloir", le renouvellement des 751 élus du Parlement est aussi traditionnellement marqué par une forte abstention, alors qu'il est un rouage essentiel dans l'élaboration des lois européennes.
Ce désintérêt des électeurs n'a cessé d'augmenter depuis la première édition en 1979. L'abstention a grimpé de 38% cette année-là à 57,4% en 2014 pour le dernier scrutin. Elle avait été particulièrement forte dans les pays de l'Est de l'Europe, comme la Slovaquie (87%).
L'immigration, la protection de l'environnement, un thème qui a émergé dans la dernière ligne droite avec la mobilisation des jeunes dans plusieurs pays, sont considérés comme les principaux défis pour l'avenir de l'UE, selon un sondage YouGov réalisé auprès de 8.021 personnes dans huit pays (Belgique, France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Hongrie, Suède), publié en mai.
Quatre ans après la crise migratoire de 2015 et bien que le flux des arrivées n'ait depuis cessé de chuter, l'extrême droite continue à concentrer son discours sur cette thématique.
C'est aussi autour de cette question, devenue une ligne de fracture sur le continent, que les chefs de la Ligue italienne Matteo Salvini et du Rassemblement national français Marine Le Pen tentent de fédérer un front commun de forces nationalistes.
Dans le nouvel hémicycle, leur groupe actuel, l'ENL grimperait à 62 élus (25 de plus qu'actuellement) dont 26 Italiens de la Ligue (+20) et 20 Français (+5) du RN, selon la dernière projection publiée par le Parlement, sur la base d'enquêtes dans les 28 pays.
En y ajoutant les europhobes et populistes de l'ELDD (où siègent le Mouvement Cinq Etoiles italien ou encore le Britannique pro-Brexit Nigel Farage), et les eurosceptiques du CRE (où siègent les Tories britanniques et les Polonais du parti PiS au pouvoir à Varsovie), cette projection donne 173 élus à ce bloc disparate.
"Actuellement, il y a presque 25% d'eurosceptiques au Parlement, cela pourrait aller jusqu'à 35 %", estime Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman. "Ca ne va pas bloquer le Parlement mais il y aura une irradiation, une influence sur des partis de droite ou d'extrême gauche dans les thématiques", ajoute-t-il.
En outre, si ces partis, qui veulent changer l'UE de l'intérieur, peuvent se retrouver sur l'immigration, ils sont loin d'être d'accord sur d'autres sujets majeurs, comme l'attitude à avoir sur la Russie de Vladimir Poutine.
- Rôle pivot pour les libéraux ? -
Quant aux deux grands familles traditionnelles, le PPE à droite et les sociaux-démocrates (S&D) à gauche, elles abandonneraient chacune 37 sièges, perdant leur majorité, selon la dernière projection publiée par le Parlement européen.
Les Verts, qui pourraient bénéficier du mouvement pro-climat, en Belgique et en Allemagne notamment, gagneraient eux 5 sièges.
Sur un tel échiquier recomposé, les libéraux espèrent tirer leur épingle du jeu. A la faveur d'un élargissement aux nouveaux élus français macronistes de La République en Marche, ce groupe entend jouer un rôle pivot, en devenant la troisième force dans la nouvelle assemblée.
"Il y a une forte probabilité pour qu'il faille être au moins trois groupes pour faire une majorité, une vraie nouveauté au Parlement", souligne M. Giuliani.
Ce jeu d'alliances sera crucial pour désigner les futurs patrons de l'Europe, dont le successeur de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission. Un mercato qui va s'accélérer dès le lendemain des élections.