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"Je n'ai droit à rien": le désarroi des aspirants à l'asile en France confinée

Fin mars, rendez-vous en poche, Malaki s'est rendue en préfecture à Paris pour faire enregistrer sa demande d'asile. Elle a trouvé porte close. Sans le précieux récépissé, qui ouvre les droits notamment à l'hébergement, la jeune Somalienne est retombée dans l'errance.

"J'y suis retournée trois fois depuis. A chaque fois la police me dit que personne ne s'occupe de ça en ce moment", explique-t-elle à l'AFP en se redressant sur son matelas posé dans une paroisse d'Aubervilliers, en banlieue parisienne, où sont accueillis depuis une semaine une quinzaine de Somaliens qui ne bénéficient d'aucune prise en charge.

Certains d'entre eux, comme Malaki, 25 ans, souhaitent demander l'asile, mais l'enregistrement de ces requêtes est à l'arrêt en région parisienne depuis le début du confinement, le 17 mars.

Les autorités ont décidé la fermeture des guichets uniques permettant ces enregistrements et les préfectures estiment ne pas avoir les effectifs pour remplir cette mission, que le gouvernement disait pourtant vouloir préserver au début de l'épidémie.

Confirmant une précédente décision, la justice française a donné jeudi cinq jours aux autorités pour reprendre cette activité en région parisienne, surtout à destination des plus vulnérables.

"Je n'ai même pas les mots pour exprimer à quel point la situation est dure", reprend Malaki, emmitouflée dans une fine couette verte, dans le dortoir improvisé au-dessus de la salle de catéchisme. Sans récépissé, "si je tombe malade, je n'ai pas accès aux soins, je n'ai droit à rien", déplore celle qui affirme être arrivée en France en mars.

"J'ai hâte que cela reprenne, pouvoir déposer ma demande et me projeter, pouvoir rêver d'une vie meilleure", ajoute-t-elle.

- "Boule au ventre" -

Malgré les milliers de places d'hébergement d'urgence débloquées par l'Etat en raison de la pandémie, "on a du mal à trouver des lits surtout pour les familles et les couples, on appelle tous les soirs mais il n'y a rien", affirme Julie Lavayssière, responsable parisienne d'Utopia56, association qui organise cet hébergement en paroisse et qui fait partie des requérants ayant obtenu de la justice la réouverture des guichets uniques.

"Le gouvernement dit qu'il y a assez de places pour tout le monde. Qu'il cherche à recenser les plus vulnérables. Ici, c'est l'illustration que ce n'est pas le cas et on se retrouve à nouveau à faire le boulot de l'Etat", peste la responsable associative.

Assise sur une couverture matelassée bleu et vert à carreaux qui lui sert de couchette, Saadia, 35 ans, attendait son rendez-vous depuis août 2019.

En début d'année, en raison du retard pris sur son dossier, elle se voit notifier un passage en "procédure accélérée", expose-t-elle en sortant des documents de son sac en toile. "Mais depuis le corona, pas d'entretien."

Visage rond cerclé d'un voile vert, Zahra sait, elle, qu'elle ne devrait pas se trouver là: elle a déjà obtenu le statut de réfugié et a donc droit à un hébergement. "Mais je me suis retrouvée sans rien", explique à son tour la femme de 38 ans qui a vécu "très longtemps à la rue, dans des camps".

"J'ai tapé à plusieurs portes, on m'a dit qu'on me rappellerait, mais depuis le début du confinement, plus de nouvelles. Et avec la barrière de la langue, je ne sais pas quoi faire", raconte celle qui aspire à "quelque chose de stable, où que ce soit".

Pour l'heure, affirment en choeur ses improbables pensionnaires, cette paroisse est un havre de paix qui les éloigne de l'insécurité de la rue. Quand bien même il n'y a pas de douche, ni de cuisine, et qu'un seul repas leur est livré pour la rupture du jeûne du ramadan.

Déjà, la perspective de devoir quitter les lieux le 11 mai, jour du déconfinement national, sans savoir s'ils retrouveront un toit immédiatement, les inquiète.

"Ce qui va se passer après le 11 mai me donne une boule au ventre", anticipe Malaki. Derrière elle, une affiche destinée aux fidèles exhorte, sans convaincre: "Jubilez, criez de joie!"

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