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Après des décennies au service des Philippins les plus pauvres, la religieuse australienne Patricia Fox est sous le coup d'un arrêté d'expulsion pour avoir déplu au président Rodrigo Duterte. S'il est mis en oeuvre, elle fera tout pour revenir, dit-elle à l'AFP.
Les services philippins de l'immigration ont donné à soeur Patricia, 71 ans, jusqu'au 25 mai pour quitter l'archipel, après que Rodrigo Duterte l'eut accusée de s'être livrée à des activités politiques en dehors de son travail de missionnaire.
La religieuse catholique est ainsi devenue la seconde étrangère critique envers la politique du président controversé à être exclue de l'archipel.
L'arrêté pris la semaine dernière a été fortement critiqué par les organisations de défense des droits de l'Homme et les groupes religieux. Mais les autorités philippines semblent déterminées à l'appliquer.
"J'espère toujours que quelque chose se passera" pour empêcher cette expulsion, a indiqué à l'AFP à Manille Patricia Fox, qui a fait appel.
Et même si ce recours ne fonctionne pas, elle dit qu'elle fera tout pour revenir et reprendre son travail dans un pays où elle est installée depuis 1990.
"Si je peux revenir comme touriste, j'essaierai de revenir", assure la religieuse de la congrégation de Notre-Dame de Sion, fondée en France au XIXe siècle. "C'est ma vie."
Ancienne avocate qui défendait une clientèle pauvre en Australie, elle dit avoir pendant des années oeuvré auprès des travailleurs agricoles sans terre et des ouvriers philippins pour leur apprendre leurs droits.
Jusqu'à ce 16 avril, quand des agents de l'immigration se sont présentés aux modestes bureaux de la congrégation à Manille.
- 'Jamais parlé' du président -
Responsable du petit groupe de huit missionnaires, Patricia Fox a été conduite au siège des services de l'immigration, qui l'ont informée de la nature des poursuites la visant.
Elle raconte avoir passé une nuit sur le sol d'un bureau de cette administration, peinant à trouver le sommeil allongée sur une couverture qu'elle avait empruntée.
La religieuse pense s'être attirée le courroux présidentiel pour avoir participé en avril à une mission d'enquête sur les violations présumées des droits de l'Homme commises contre des agriculteurs par les soldats qui combattent la rébellion communiste dans le sud des Philippines.
Elle s'est notamment rendue à Davao, la ville du président, auprès de paysans détenus pour possession d'explosifs et a participé à une conférence de presse donnée par des ouvriers limogés pour avoir demandé une amélioration de leur salaire et conditions de travail.
"J'ai fait par solidarité une déclaration disant que les enseignements sociaux de l'Eglise catholique disaient qu'on a le droit de se syndiquer, qu'on a le droit à un salaire juste", a-t-elle dit.
Elle explique qu'elle se sentait relativement légitime dans la défense de grands principes sociaux que le président, pensait-elle, ne contesterait pas.
M. Duterte avait promis lors de la campagne présidentielle de 2016 de mettre un terme à la pratique des patrons consistant à n'embaucher que sur des contrats de cinq mois pour ne pas devoir verser aux travailleurs les avantages allant de pair avec des contrats à durée indéterminée.
Pourtant, quelques heures après la libération de Patricia Fox, M. Duterte avait fait savoir qu'il avait personnellement demandé les poursuites, dans un avertissement aux étrangers présents aux Philippines.
"J'ai ordonné qu'elle fasse l'objet d'une enquête pour trouble à l'ordre public", avait-il dit en usant de son langage direct. "Tu m'insultes sous couvert d'être un prêtre catholique et tu es un étranger! Qui es-tu? C'est une violation de souveraineté".
Peu auparavant les Philippines avaient expulsé Giacomo Filibeck, secrétaire général adjoint du Parti des socialistes européens, une formation qui avait dénoncé les "meurtres extrajudiciaires" commis dans la "guerre contre la drogue".
Mais Mme Fox, elle, a expliqué qu'elle s'était tue au sujet de cette sanglante campagne officielle de lutte contre les stupéfiants.
"Je n'ai jamais rencontré le président? Et je ne me souviens pas avoir jamais parlé de lui en public", assure la religieuse.