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La pandémie retarde l'arrivée de jeunes loups à Wall Street

Certains avaient déjà renouvelé leur garde-robe, d'autres imaginaient tisser des relations personnelles qui les propulseraient un jour au sommet de la finance.

Mais la pandémie de coronavirus, qui paralyse New York et contraint des millions de salariés à travailler de chez eux, a contrecarré les projets d'aspirants banquiers et traders attendus comme stagiaires cet été à Wall Street, temple de la finance mondiale.

"J'étais vraiment très enthousiaste à l'idée de travailler pour et au sein d'une grande firme, d'aller au bureau tous les jours, de voir un peu ce que c'est que d'être banquier à New York", raconte Aristides Bourtsos, 20 ans, étudiant à l'Université de l'Iowa.

Le jeune homme, qui doit effectuer ses premiers pas cet été dans l'équipe des banquiers conseillant les sociétés dans les opérations de fusions-acquisitions chez JPMorgan Chase, fait partie des centaines de jeunes diplômés de prestigieuses universités ayant été informés en avril que leur stage s'effectuerait en télétravail et en ligne, une grande première.

- Voie royale -

Si leurs futurs superviseurs ont essayé de les rassurer, ils sont conscients que l’absence de contact physique est un handicap quand on est un "bleu", car travailler sur site est l’occasion de nouer, avec l'aide d'un mentor assigné, des relations rapidement, de plonger dans la culture interne et d'éviter les chausse-trappes courantes dans ce milieu ultra concurrentiel des "Golden boys" où se font et se défont les légendes à une vitesse fulgurante.

"Je vais avoir le soutien de l'équipe, c'est certain et cela m'a déjà été assuré, mais je pense que ce sera difficile de construire des relations personnelles et d'avoir de l'aide", avance "Ari".

Le début de son stage a été décalé de juin à juillet, le Covid-19 obligeant les entreprises à se réorganiser dans l'urgence pour s'adapter à de nouveaux protocoles sanitaires.

Les firmes ont repoussé en moyenne de deux à quatre semaines le démarrage des stages d'été cette année, tandis que la durée initiale de 10 mois a été nettement réduite.

La rémunération promise initialement ne bouge toutefois pas: "Sachez que nous avons l'intention d'honorer l'engagement financier de départ", a assuré Goldman Sachs, dans un courriel envoyé le 7 avril à tous les futurs stagiaires hors Inde.

Le stage d'été est considéré comme la voie royale pour une carrière dans l'univers de la finance, qui attire toujours des milliers de jeunes diplômés par an malgré les scandales. Les candidats sont sélectionnés plusieurs mois, voire un an, à l'avance.

- Embauches au bout? -

Il se conclut le plus souvent par une offre d'embauche, mais la donne devrait changer avec la pandémie, à quelques exceptions près.

Citigroup est un des rares établissements à avoir promis un emploi aux stagiaires 2020 de ses bureaux de New York, Londres, Hong Kong, Singapour et Tokyo s'ils se distinguent, d’après un courriel consulté par l’AFP.

La banque d'investissement new-yorkaise Moelis & Co, qui a réduit ses stages d'été à quatre semaines, s’engage à embaucher à partir de 2021 la promotion de l’été 2020.

Face aux incertitudes, les questions se multiplient chez les jeunes diplômés, explique Brian Richman, professeur de finance à l'université de l'Iowa.

"Ils se demandent comment sera le stage? Vont-ils apprendre suffisamment en télétravail?", dit cet ancien banquier, ajoutant que la question la plus récurrente est "+Vais-je pouvoir être embauché à la fin de mon stage?+"

"C'est un peu difficile de faire des plans mais je donnerai le meilleur de moi dans l'espoir que ça produise des résultats dans l'avenir", concède Michael Gerot, 21 ans, retenu par la banque d’affaires Evercore dans les fusions-acquisitions. C'est un des secteurs de la finance, avec le trading, susceptible de s’emballer parce que la pandémie a fragilisé financièrement de nombreuses sociétés, ce qui en fait des proies pour des raids ou des mariages forcés.

Michael devrait recevoir sous peu un ordinateur portable d’Evercore, qui veut s’assurer aussi qu’il n’y aura ni panne ni interruption de service pendant son stage virtuel.

"Ils voulaient savoir si la connexion internet était bonne, si notre bail se terminait", raconte le jeune homme, qui passe actuellement ses derniers examens en finance à l’université de l’Iowa.

Outre les questions pratiques, faire travailler les stagiaires à distance suscite également des interrogations sur la sécurité informatique et les obligations règlementaires des banques, qui doivent surveiller les communications professionnelles des banquiers et traders afin d'éviter des délits d'initiés et des manipulations de marchés.

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