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Contrairement à de nombreux autres pays occidentaux, la Suisse, qui ne dispose pas de procédure d'homologation en urgence, ne devrait pas commencer à vacciner sa population avant 2021.
Les gros volumes qui permettront de vacciner plus largement la population du pays, qui compte 8,6 millions d'habitants, ne sont pas attendus rapidement. A terme, Berne "espère" vacciner quelque 70.000 personnes par jour.
Cette prudence est-elle justifiée ? Voici les réponses apportées par la directrice du centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève, Claire-Anne Siegrist, surnommée "la papesse du vaccin" par les médias suisses.
Question: La Suisse va commencer à vacciner plus tard que d'autres pays occidentaux. Pourquoi ?
Réponse: La Suisse n'a pas une procédure d'autorisation d'urgence, même en cas de pandémie. C'est ça la plus grande différence.
Notre autorité d'homologation des vaccins, Swissmedic, demande davantage de données pour des nouveaux vaccins que celles qui peuvent être considérées comme suffisantes pour une autorisation d'utilisation en urgence par les agences européennes ou américaines.
Pour être clair, les agences européennes et américaines demandent deux mois de suivi. Alors qu'en Suisse, on garde la règle habituelle qui est de dire: on suit plus longtemps que 2 mois.
Habituellement, c'est jusqu'à la fin de l'essai de phase 3, qui est, par définition, de 6 mois.
Q: Cette prudence est-elle justifiée ?
R: Quand on a 4-5 mois de suivi, on est beaucoup plus tranquille que quand on n'a que 2 mois. C'est une sécurité supplémentaire qui en Suisse répond à la demande d'une grande partie de la population d'avoir plus d'informations.
Aujourd'hui, cette prudence est justifiée parce que, en Suisse, nous ne sommes pas dans la situation catastrophique des Etats-Unis.
On a le même virus partout, mais on a réussi à le limiter avec des mesures contraignantes pour la vie individuelle, pour l'économie, etc.
Dans 2 mois, j'aurais très envie qu'on puisse commencer à vacciner parce qu'on aura les données, et ça m'agacerait beaucoup si pour des raisons bureaucratiques, il fallait attendre et attendre une autorisation.
Pouvoir se donner un ou deux mois de plus, pour voir s'accumuler les données à prendre des pays qui vont commencer à vacciner plus tôt et voir que tout se passe bien, ça me paraît raisonnable aujourd'hui dans la situation de la Suisse.
Q: Quel est le rôle joué par le mouvement anti-vaccins ?
R: Cette proportion n'est pas plus grande en Suisse qu'ailleurs. Elle est beaucoup plus faible qu'en France.
Elle est très active sur les réseaux sociaux mais pas très grande. Par contre, il y a une grande proportion de la population qui est dans le doute complet pour une raison simple que je partage: on n'a eu que des communiqués de presse (des groupes pharmaceutiques, ndlr).
En Suisse, cette grande proportion de la population - de 30 à 50% de la population actuellement - se dit peut-être que oui, peut-être que non. Son choix va dépendre de la qualité des informations qu'on pourra lui donner et de la confiance qu'elle aura dans ces informations.
Q: Est-ce que les réticences régionales face au vaccin sont les mêmes ?
R: On voit toujours que les cantons romands (francophones, ndlr) et le Tessin (italophone, ndlr), ont plus peur des maladies et sont plus enclins à se faire vacciner, quel que soit le vaccin.
Vous pouvez prendre la rougeole, vous pouvez prendre l'hépatite B, vous pouvez prendre le virus HPV, les taux de couverture sont bien plus élevés en Suisse romande et au Tessin qu'en Suisse alémanique (germanophone, ndlr), où il y a cette notion que la nature fait bien les choses et que si on vit sainement on ne risque pas grand chose.
Comme en Allemagne, et surtout au sud de l'Allemagne, il y a encore une empreinte très forte de la +Naturwissenschaft+, la "sagesse de la nature". Cela date du mouvement romantique, d'il y a deux siècles.