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Le Brésil est sorti de la récession au dernier trimestre 2021 et la première économie d'Amérique latine a renoué avec la croissance l'an dernier, avec un rebond du PIB de 4,6% qui a compensé le recul de 2020 lié à la crise du coronavirus.
Ces données rendues publics vendredi par l'institut de statistiques IBGE sont conformes aux attentes des analystes, après le plongeon de 3,9% de 2020.
"Les chiffres sont positifs, sans surprise, mais ce n'est pas une reprise solide, car on s'attendait à ce que les choses reviennent à la normale", dit à l'AFP Silvia Matos, économiste de la fondation Getulio Vargas.
Pour l'année 2022, les experts consultés pour la dernière enquête hebdomadaire Focus de la banque centrale tablent sur une croissance faiblarde de seulement 0,3%.
La situation reste préoccupante, avec une inflation galopante et une hausse des taux d'intérêt qui risque de freiner la croissance cette année, marquée par la présidentielle d'octobre où Jair Bolsonaro espère être réélu.
Le PIB du Brésil a progressé de 0,5% au quatrième trimestre (octobre à décembre) par rapport au trimestre précédent, après des contractions de -0,3% au deuxième et de -0,1% au troisième.
- "Incertitudes politiques" -
"Les données du quatrième trimestre montrent les effets positifs de l'avancée de la vaccination, qui a permis la reprise des activités, notamment à partir du second semestre", souligne auprès de l'AFP l'économiste Gilberto Braga, professeur de l'école de commerce IBMEC à Rio de Janeiro.
La croissance a surtout été tirée par les secteurs de l'industrie (+4,5%) et des services (+4,7%), dont le rebond était attendu après une année 2020 très affectée par la pandémie qui a fait plus de 650.000 morts au Brésil.
Le secteur agricole, en revanche, a connu en 2021 un léger recul, en raison d'une baisse de production de la canne à sucre, du maïs et du café pour les cultures, de la viande bovine et du lait pour l'élevage, due notamment aux "conditions climatiques adverses", avec une sécheresse historique, selon l'IBGE.
Pour 2022, "les incertitudes au sujet de l'avenir politique du pays rendent le scénario plus imprévisible", estime M. Braga, à sept mois de la présidentielle.
Sans compter l'impact sur l'économie mondiale du conflit armé en Ukraine et des sanctions contre la Russie.
"Le secteur agricole est un des moteurs de l'économie brésilienne et la production de céréales risque d'être affectée par la hausse du prix du pétrole et les difficultés d'importation d'engrais" venus de Russie, le premier fournisseur du Brésil.
- "Stagflation" -
"Au-delà de la crise humanitaire, il y a un impact économique dans le monde entier, y compris au Brésil, avec l'inflation, notamment du coût de l'énergie", renchérit Silvia Matos. "Au Brésil, l'inflation est déjà élevée, et la hausse des prix au niveau mondial va réduire davantage le pouvoir d'achat et freiner la croissance", insiste-t-elle.
Malgré la sortie de récession au quatrième trimestre, les analystes estiment que le Brésil est entré dans une phase de "stagflation" -- une inflation élevée et une croissance stagnante -- qui devrait être aggravée par le contexte géopolitique avec l'offensive de la Russie en Ukraine.
En 2021, le Brésil, immense pays de 213 millions d'habitants a enregistré une inflation à deux chiffres (+10,06%), la pire en six ans.
Cela a poussé la Banque centrale à relever à plusieurs reprises son taux directeur, actuellement à 10,75%, ce qui peut constituer une entrave à la reprise économique, avec des crédits de plus en plus chers.
"L'inflation a surtout affecté les plus pauvres, en raison notamment de la hausse des prix des aliments et des carburants, alignés sur les tarifs du marché international", explique Gilberto Braga.
Le taux de chômage a baissé lors de ces derniers mois et a atteint 11,1% lors du dernier trimestre 2021, revenant à son niveau pré-pandémie. Mais plus de 12 millions de personnes restent à la recherche d'un emploi et les revenus moyens des travailleurs ont baissé de 7% l'an dernier par rapport à 2020.