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Le Liban enterre des victimes de l'explosion d'une citerne d'essence

Au Liban en deuil, des familles éplorées et en colère ont enterré plusieurs victimes de l'explosion d'une citerne d'essence dans la région du Akkar, énième tragédie ayant fait au moins 28 morts dans un pays en plein effondrement économique.

L'explosion, qui a fait près de 80 blessés, a eu lieu dans le nuit de samedi à dimanche dans le village de Tleil (nord) au moment où des habitants se ravitaillaient en essence, dans un contexte de pénuries aiguës de carburant.

Le drame, survenu dans l'une des régions les plus pauvres du Liban, résume l'ampleur de la crise économique et ses conséquences au quotidien pour une population éreintée, qui vit de longues heures sans électricité, ne trouve plus de médicaments dans les pharmacies, et doit faire des queues interminables devant les stations-service.

Mercredi, les enterrements de plusieurs victimes ont été organisés au Akkar, dont les funérailles de quatre membres d'une même famille inhumés dans le village d'Al-Dawseh.

"Ils sont morts parce qu'ils cherchaient de l'essence", crie à plein poumons Mouïn Chrayteh qui enterre ses deux fils de 16 et 20 ans.

"Dirigeants et responsables devraient imaginer ce que c'est que d'avoir deux jeunes hommes et de les retrouver brûlés et carbonisés sous ses propres yeux".

Des dizaines de personnes s'étaient rassemblées au domicile de la famille avant le début des funérailles, selon un photographe de l'AFP.

Des tirs nourris ont accompagné la procession, menés par des hommes armés et en colère faisant partie du cortège funèbre.

- "Privation" -

Des cercueils, certains recouverts du drapeau libanais, dansaient à la surface d'une mer de bras traversant le village, tandis que d'autres habitants lançaient depuis leurs terrasses riz et pétales de rose en direction des tombeaux.

Fawaz Chrayteh a lui perdu deux frères dans l'explosion, tous deux soldats.

"C'est la privation qui a mené à ceci, le Akkar est une région démunie", a-t-il déclaré à l'AFP. "Tout ce que nous faisons, c'est payer de notre sang", a-t-il déploré.

Mardi, d'autres funérailles ont eu lieu dans le nord du Liban. Les enterrements de certaines victimes s'annoncent compliqués dans l'attente des résultats des tests ADN en cours et l'identification de restes humains trouvés sur le site de l'explosion.

Une enquête a été ouverte sur les circonstances de l'explosion qui n'ont toujours pas été élucidées. Le réservoir, vraisemblablement stocké par son propriétaire à des fins spéculatives, avait été "confisqué" par l'armée pour que l'essence soit distribuée aux citoyens.

Le drame est venu mettre sous pression un secteur hospitalier déjà à bout de souffle, privé de médicaments et d'électricité. Certains pays et l'ONU ont envoyé une aide d'urgence pour soutenir les hôpitaux.

Un avion affrété par la Turquie va évacuer mercredi depuis Beyrouth deux blessés de l'explosion, qui seront soignés à l'étranger, selon l'Agence nationale d'information (ANI).

- Paupérisation -

L'explosion du Akkar, ultime illustration de la déliquescence généralisée au Liban, a ravivé le souvenir de celle du port de Beyrouth le 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts.

Depuis l'automne 2019, le pays traverse l'une des pires crises économiques au monde depuis le milieu du XIXème siècle, selon la Banque mondiale.

Avec une inflation galopante et des licenciements massifs, 78% de la population libanaise vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

A court de devises étrangères, la Banque centrale a récemment annoncé qu'elle ne financerait plus les subventions sur les carburants, après une première coupe fin juin ayant déjà entraîné une augmentation des prix à la pompe de 55%.

Dans l'attente d'une nouvelle hausse des prix qui n'a toujours pas été officialisée, plusieurs stations-service ont fermé et, devant les rares qui sont ouvertes, se forment des files d'attente interminables, parfois dès l'aube.

Depuis plusieurs jours, l'armée libanaise poursuit ses inspections pour confisquer les stocks d'essence qui ne sont pas vendus par des propriétaires accusés de spéculation.

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