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Le Met Opera de New York doit composer entre tradition et modernité

Entre la première oeuvre composée par un musicien noir jamais jouée dans ses murs et une programmation plus classique, le prestigieux Metropolitan Opera de New York cherche à rajeunir son public, sans perdre de vue un public plus conservateur.

Lundi soir, après que son choeur a entonné, en soutien à l'Ukraine, son hymne national, le "Met Opera" a lancé la deuxième partie de sa saison avec un incontournable de son répertoire: Don Carlos de Giuseppe Verdi, interprété pour la première fois en français, la langue de ses débuts à Paris en 1867, et non dans son habituelle traduction italienne.

Une version inédite, mais un choix classique. La saison s'était ouverte en septembre par "Fire shut up in my bones", une oeuvre contemporaine et flamboyante, aux accents jazz et blues, composée par le trompettiste Terence Blanchard, l'homme derrière les bandes originales des films de Spike Lee.

Après 138 ans d'existence, le Met avait mis à l'affiche pour la première fois un opéra composé par un musicien noir, ayant notamment pour thème le racisme dans le sud des Etats-Unis.

"Nous avons un public très éclectique", explique à l'AFP le directeur de l'institution, Peter Gelb. "Il y a des spectateurs très conservateurs, mais nous attirons aussi un public plus jeune et diversifié", ajoute-t-il.

"Tout ne peut pas plaire à tout le monde. Mais nous essayons de faire en sorte que cela plaise au plus grand nombre la plupart du temps", résume Peter Gelb.

- Marathon -

Après un an et demi de rideau baissé à cause de la pandémie et la vague de manifestations antiracistes qui ont suivi la mort de George Floyd, un Américain noir tué par un policier blanc, "Fire shut up in my bones" a été vu comme le geste le plus audacieux de l'institution pour attirer au-delà d'un public plutôt âgé, riche et blanc.

Don Carlos, au contraire, respire la tradition: l'histoire, qui se déroule dans une cour royale pendant l'Inquisition espagnole, est peuplée de personnages qui complotent les uns contre les autres.

L'oeuvre exige des performances vocales dignes d'un marathon de la part du ténor qui interprète Don Carlos et de la soprano qui incarne celle qu'il aime, Elisabeth de Valois.

- "Grognements" -

L'opéra, qui regorge d'arias déchirantes et de duos conflictuels, est mis en scène dans des décors sombres évoquant un monde de guerre et de terreur.

Avec de telles oeuvres, "je ne sais pas si l'innovation est si essentielle", s'interroge le violon solo Ben Bowman.

"Ce que nous chérissons, c'est la possibilité de perpétuer ces traditions, et de les maintenir pour les générations futures", ajoute-t-il.

Pour Peter Gelb, l'objectif est de capturer avec une "exactitude historique émotionnelle" l'atmosphère étouffante de l'Inquisition espagnole, au 15e siècle.

A ses yeux, c'est une "belle parabole de ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui avec la montée de l'intolérance et l'autoritarisme rampant".

Sur le chemin d'une dernière répétition générale, Peter Gelb fait état de "grognements" de la part de certains spectateurs sur des choix de décors. "Je ne peux pas les rendre toujours heureux", glisse-t-il.

Nommé en 2006, le directeur a connu des hauts et des bas avec certains bienfaiteurs du Met, mais il affirme que l'opéra est "plus audacieux sur le plan artistique".

Une nécessité selon lui. "Pour que cette forme d'art survive, nous devons innover. L'art, c'est le changement".

- Ukraine -

La programmation de la saison 2022-23 oscille encore entre tradition et modernité. Aux côtés de Champion, un autre opéra de Terence Blanchard, et de l'opéra contemporain The Hours, figureront des classiques de Wagner et Mozart.

Dans l'immédiat, l'institution doit faire face aux conséquences sur le monde de la culture de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Dans une vidéo diffusée ce week-end, Peter Gelb a dédié le reste de la saison à la population ukrainienne et a promis que le Met ne "s'engagera plus avec des artistes et des institutions qui soutiennent Poutine ou sont soutenus par lui".

Pour l'heure, la soprano Anna Netrebko, considérée comme un soutien du maître du Kremlin, est programmée cette saison pour l'opéra Turandot et la saison prochaine pour Don Carlos.

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