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Le Nicaragua s'enfonce dans la crise un an après les 1ères manifestations anti-Ortega

Le Nicaragua s'enfonce dans la crise un an après les premières manifestations anti-gouvernementales durement réprimées : pris à la gorge par les sanctions internationales et la récession économique, confronté à une opposition qui ne désarme pas, le président Daniel Ortega s'accroche néanmoins au pouvoir.

Depuis le 18 avril 2018, les violences politiques ont fait plus de 325 morts, pour la plupart dans les rangs de l'opposition. Plus de 600 adversaires du gouvernement ont été jetés en prison et des dizaines de milliers de Nicaraguayens ont pris le chemin de l'exil.

L'opposition a lancé un appel à manifester mercredi pour "commémorer" un an "d'insurrection civique et pacifique", même si toutes les demandes d'autorisation de manifester ont été rejetées ces dernières semaines par les autorités.

"La seule chose qui reste (au gouvernement), c'est le monopole de la force, ainsi qu'un peu de népotisme et de corruption", explique à l'AFP le politologue Manuel Orozco, du think-tank Inter-American Dialogue.

L'ex-guérillero Ortega, qui a contribué à la chute du dictateur Anastasio Somoza en 1979, âgé aujourd'hui de 73 ans, a été pris à contrepied par les manifestations étudiantes du 18 avril 2018 contre une réforme de la sécurité sociale. Son abandon n'a pas suffit à calmer la rue.

- Chute de l'économie -

"Malheureusement, il semble qu'il ne reste plus trace au Nicaragua des institutions et de l'Etat de droit", déplore la directrice du Centre pour la Justice et le Droit international (Cejil) en charge de la région, Claudia Paz y Paz.

Avant la crise, M. Ortega bénéficiait dans les sondages du soutien de 65% de la population (6,2 millions d'habitants), grâce notamment à une croissance annuelle du PIB de 4 à 5%, la plus forte d'Amérique centrale. Selon la Banque mondiale, la pauvreté avait même reculé de 29,5% à 24,9% en 2016.

Las, les troubles ont plongé le pays dans la récession : le PIB a chuté de 3,8% en 2018, tandis que 294.000 emplois ont été détruits, selon la Banque centrale du Nicaragua. Pour le patronat, la perte est plutôt de 4% du PIB, avec 400.000 emplois détruits. Le secteur du tourisme, en plein essor grâce à la bonne réputation du Nicaragua en matière de sécurité, est particulièrement sinistré.

Pour 2019, le Fonds monétaire international prédit une nouvelle chute de 5% du PIB, la plus forte récession d'Amérique latine après le Venezuela (-25%).

- "Au bord de l'abîme" -

La situation économique et sociale est "insupportable", juge l'ancienne guérillera sandiniste passée à l'opposition Dora Maria Tellez, qui dénonce la brutalité de la réforme fiscale et de la sécurité sociale adoptée récemment par le pouvoir pour contenir le déficit budgétaire de 310 millions de dollars.

"Le pays est au bord de l'abîme", avertit de son côté le sociologue Oscar René Vargas, déplorant que le gouvernement ait "fermé toutes les soupapes du jeu démocratique, en agissant de manière très violente".

Managua est soumise en outre à une pression internationale croissante: la mise en oeuvre par les Etats-Unis de la loi "Nica Act", votée en décembre, va couper l'accès du pays aux prêts internationaux.

Le pays pourrait aussi être mis au ban de l'Organisation des Etats Américains (OEA), tandis que le Parlement européen a demandé la mise en oeuvre de sanctions progressives pouvant aller jusqu'à l'exclusion du Nicaragua de l'Accord d'association avec l'Amérique centrale.

Enfin, la crise au Venezuela a privé Managua de l'aide du pays pétrolier (4 milliards de dollars cumulés depuis 2007, selon la Banque centrale du Nicaragua).

Malgré tout, les analystes jugent improbable que M. Ortega, qui contrôle toutes les institutions, accepte des élections anticipées avant le terme de son mandat en 2021.

Les négociations ouvertes le 27 février par le gouvernement avec l'Alliance civique pour la justice et la démocratie (ACDJ), la plateforme d'opposition rassemblant étudiants, paysans, société civile et patronat, sont dans une impasse.

Les conditions sont réunies pour "une nouvelle explosion sociale. (Ortega) doit se regarder dans le miroir vénézuélien : même s'il réprime durement, il ne pourra plus empêcher son départ du pouvoir", avertit l'analyste politique Eliseo Nunez.

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