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Graal des romanciers, poètes et dramaturges depuis plus d'un siècle, le prix Nobel de littérature ne sera pas décerné cette année, victime de la déflagration #MeToo qui a fait imploser l'Académie suédoise.
Le nom du lauréat du prix Nobel 2018 de littérature sera désigné et annoncé en même temps que le lauréat 2019, a annoncé vendredi l'Académie suédoise dans un communiqué, une première depuis près de soixante-dix ans.
Ces derniers "sont pleinement conscients du fait que la crise de confiance actuelle les oblige à un travail de réforme long et énergique", a commenté Anders Olsson, son secrétaire perpétuel par intérim, cité dans le communiqué.
"Nous jugeons indispensable de nous donner du temps pour restaurer la confiance avant la désignation du prochain lauréat", a-t-il ajouté. "Et ce par respect tant pour les lauréats passés que pour les lauréats à venir".
Créée en 1786 sur le modèle de l'Académie française, l'académie est prise dans la tourmente depuis les révélations du mouvement #MeToo qui l'ont éclaboussée fin 2017.
Ces dernières semaines, six des 18 sages, dont la secrétaire perpétuelle en exercice Sara Danius, ont annoncé abandonner leur fauteuil. Deux membres ne participaient déjà plus depuis longtemps à ses travaux, réduisant à dix le nombre d'académiciens actifs.
Or selon les statuts de l'académie, au moins 12 membres actifs sur les 18 fauteuils sont nécessaires pour choisir un nouveau membre.
- Un Français au coeur du scandale -
Le 25 avril, l'Académie avait déjà annoncé "discuter" d'un éventuel report du prix, "compte tenu de la situation dans laquelle se trouve l'académie, et par égard pour la récompense", avait notamment estimé Peter Englund, l'un des académiciens démissionnaires.
La crise remonte à novembre, en pleine campagne #MeToo, lorsque le quotidien de référence Dagens Nyheter a publié les témoignages de 18 femmes affirmant avoir subi des violences ou des faits de harcèlement sexuel d'un Français, Jean-Claude Arnault, marié à l'académicienne Katarina Frostenson, en retrait depuis.
L'académie a en novembre rompu tout lien avec M. Arnault et son centre culturel Forum couru de l'intelligentsia stockholmoise, qui a lui aussi dû mettre la clé sous la porte à la suite du scandale.
Le parquet criminel de Stockholm a annoncé mi-mars qu'une partie de l'enquête préliminaire ouverte contre lui avait été classée sans suite pour cause de prescription ou faute de preuves. Il s'agit de viols et d'autres agressions présumés commis en 2013 et 2015. Les faits non classés n'ont pas été révélés.
Par la voix de son avocat, interrogé par l'AFP, Jean-Claude Arnault se dit innocent.
L'institution est également au coeur d'une enquête financière liée au versement de généreux subsides au centre Forum, dont M. Arnault et son épouse étaient co-propriétaires.
- Affaire Salman Rushdie -
Avant l'édition 2018, l'attribution de la plus haute distinction littéraire au monde avait été reportée cinq fois depuis sa création en 1901.
En 1949 -dernier report en date- l'Académie avait décidé de différer l'annonce du lauréat invoquant pour cette année-là qu'"aucune des candidatures ne répondait aux critères énoncés dans le testament d'Alfred Nobel". Un an plus tard, l'écrivain américain William Faulkner avait reçu les honneurs pour l'année 1949.
D'après les statuts de l'institution, le prix peut être réservé jusqu'à l'année suivante.
Maria Schottenius, critique littéraire pour le quotidien Dagens Nyheter interrogée par l'AFP, parle d'une "sage" décision prise par l'académie, qui permettra de "combler les fauteuils vides et de revenir avec une académie plus forte", l'année prochaine.
Le roi, parrain de l'institution, a par ailleurs annoncé mercredi une modification des statuts: ses membres, initialement élus à vie, pourront démissionner et ainsi être remplacés de leur vivant. En revanche, la nouvelle mesure n'a pas d'effet rétroactif.
La dernière fois que la prestigieuse institution a été secouée par une vague de démissions, c'était en 1989: trois membres avaient décidé de laisser leur siège vide, furieux qu'elle ne soutienne pas publiquement le Britannique Salman Rushdie, condamné à mort par l'imam Khomeiny pour ses "Versets sataniques". Elle avait fini par dénoncer la fatwa 27 ans plus tard.