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C'est une histoire digne d'un roman. Elevé au sein d'une secte, le pianiste Riopy a affronté les démons du passé grâce à sa musique, streamée aujourd'hui par des millions de personnes et populaire sur les applis de méditation.
Mais qui est ce compositeur français de 38 ans, inconnu dans son pays natal et qui est resté pendant trois semaines en janvier numéro 1 au Billboard Classique aux Etats-Unis ?
"J'ai eu une malchance qui s'est transformée en chance", résume Riopy (de son vrai nom Jean-Philippe Rio-Py) dans un entretien avec l'AFP à Paris où il se produira le 14 mars.
- "Des rythmes dans la tête" -
La "malchance", c'est une secte dans les Deux-Sèvres (Nouvelle-Aquitaine) où il a été entraîné tout petit avec ses deux soeurs et deux frères par leur mère. Frappé parfois comme une forme de rituel, il y développe un "OCD" (trouble d'anxiété neurobiologique).
"Dire que la musique m'a sauvé, c'est cliché, mais c'est vrai".
La secte, dirigée par une gourou, interdisait musique et télévision. "+Si tu parles, personne ne te croira+", me disait-elle. Il y avait toutefois un piano abandonné auquel il s'intéresse dès l'âge de deux ans.
"On me mettait sur une chaise et on me disait: +Tu ne bouges pas+ pendant des heures et des heures... J'adorais faire des rythmes dans la tête et ça se mettait sur le clavier", raconte Riopy.
Il créera plus tard une musique ultra-émotionnelle, streamée aujourd'hui massivement sur les plateformes et utilisée sur les applis et par des instructeurs de yoga.
"Ce n'est pas une musique de méditation mais elle fait du bien aux gens", souligne-t-il.
- "La suite du cauchemar" -
Mais avant d'en arriver là, c'était le parcours du combattant. A 18 ans, il quitte la secte --ne reprenant contact avec sa mère qu'il y a trois ans-- et part à Los Angeles pour "le rêve américain".
"C'était la suite du cauchemar". "Je nettoyais des toilettes en échange d'un lit, je me suis retrouvé dans la rue, il y a un prêtre qui a essayé de me violer".
Direction Reading, en Grande-Bretagne, où un philanthrope, Michael Freeman, séduit par sa musique qu'il jouait dans une boutique de piano, lui offre de financer des études de musique contemporaine à Oxford.
Puis il s'installe à Londres, fait le tour des pianos-bars, mais il "ne rentre dans aucune case". "En France, on me dira plus tard, tu es compositeur-pianiste donc tu n'es pas un vrai pianiste... Il fallait que je joue du Chopin".
Mais "ma musique était tellement cinématographique que ça marchait pour les pubs", raconte-t-il.
Nick Saunders, producteur de films, est séduit et lui propose de devenir son agent.
Un soir, à un dîner organisé par Vanity Fair, Chris Martin, le leader de Coldplay, est conquis par son jeu et lui offre plus tard un piano. Coïncidence extraordinaire: "A 18 ans, juste avant LA, je me retrouve à la rue à Paris, sous la neige, je chialais tout en écoutant l'album +Parachutes+ de Coldplay", le premier qu'il ait découvert.
Son carnet d'adresses s'élargit, il se produit dans les clubs les plus célèbres de Londres et, en 2015, après une pub pour la maison Armani qui fait 10 millions de vues sur YouTube, il décroche de plus en plus de contrats.
Mais alors que tout semble lui sourire, il se bat contre une dépression chronique: "J'étais suicidaire, je sombrais dans l'alcool, la drogue".
Il se soigne grâce au yoga, la méditation, s'intéresse à la neuroscience et est aujourd'hui plus apaisé.
L'artiste Warner Classics voit ses albums "Riopy", "Tree of Light" et "Bliss" cartonner. Il a également signé des bandes-annonces de films oscarisés ("Shape of Water", "The Danish Girl").
"J'ai la chance de vivre de ma musique, d'avoir une femme que j'aime, deux petits bébés et de pouvoir partager ma musique avec le plus grand nombre de gens possible", dit-il.