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Gidon Kremer, le plus célèbre des musiciens lettons, a dénoncé le système judiciaire "affreux" en Russie qui a assigné à résidence Kirill Serebrennikov, le metteur en scène et cinéaste russe empêché de se rendre au festival de Cannes.
A Paris mardi pour diriger un concert à l'occasion d'un festival dédié à la culture balte, le violoniste de 71 ans, qui a été formé à l'époque soviétique, a mis en cause dans un entretien avec l'AFP l'autoritarisme du pouvoir en Russie "qui prétend être démocratique".
Q: Pourquoi un festival balte?
R: "C'est une superbe occasion pour célébrer la culture des trois pays baltes qui sont unis par leur passé tragique, leur quête d'indépendance et leurs profondes racines dans la musique à travers la tradition des +songfests+ (festivals de la chanson très populaire dans les pays baltes).
Nous ne devons pas oublier que la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie ont toujours eu un lien avec l'Europe. Le fait de créer il y a plus de 21 ans l'ensemble Kremerata Baltica qui regroupe de jeunes musiciens talentueux des trois pays m'a permis de m'identifier avec la région de ma patrie et de créer un pont avec l'Europe, bien avant l'Union européenne dont les pays baltes sont aujourd'hui membres".
Q: Qu'est qui caractérise les compositeurs baltes?
R: "Arvo Pärt, Mikalojus Ciurlionis, Georgs Pelécis, Peteris Vasks ou Erkki-Sven Tuur ont tous quelque chose de très personnel. Je suis spécialement attaché à la musique qui peut être identifiée par la +signature+ de son créateur, ce qui est le cas de la plupart de ces compositeurs.
Ce qui les unit, de même que la majorité des peuples baltes et scandinaves, c'est la recherche de la vérité".
Q: Les artistes doivent-ils prendre des positions politiques?
R: "Ma première mission, c'est d'être musicien. Toutefois, je ne suis pas indifférent à l'injustice dans le monde. J'ai grandi dans un pays totalitaire et j'y suis particulièrement sensible.
Comme artiste, je me dois de poser des questions et de soutenir toutes les causes de justice partout et tout le temps.
Aujourd'hui, je ressens beaucoup de compassion envers Kirill Serebrennikov. Il fait face à un système judiciaire affreux, qui ignore les droits de l'Homme.
J'aurais bien aimé voir plus de soutien pour lui de la part de ses collègues russes mais c'est facile de dire ça quand on est loin de Moscou. Tout le monde là-bas ressent de manière plus forte la pression du système politique qui prétend être démocratique mais qui est plein de mensonge et de corruption.
Il faut toutefois admettre, et ceci est un fait, que la majorité des Russes soutiennent leur président. Mais est-ce que la majorité a toujours eu raison dans l'Histoire? N'y a-t-il pas eu des cas quand les gens ont changé d'opinion après la chute des régimes totalitaires?".