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Devant la célèbre mosquée des Omeyyades, Ibrahim Mehrez prend ses amis en photo avec son téléphone portable et poste un cliché sur Instagram, exultant de joie: "Damas et sûre. La Syrie va bien".
Après l'annonce lundi par l'armée syrienne de la reprise des dernières poches que les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) contrôlaient à Damas, les habitants de la capitale ont ressenti un énorme soulagement.
Avec cette reconquête et celle -en avril, aux dépens de groupes rebelles- de la totalité de la Ghouta orientale, vaste région près de Damas, le régime de Bachar al-Assad contrôle toute la capitale et ses environs pour la première fois depuis 2012.
"J'ai 21 ans et un tiers de ma vie a été rythmé par la guerre. Mon adolescence a commencé au moment où tout le reste est devenu compliqué", dit Ibrahim Mehrez à l'AFP, déambulant dans les dédales de la vieille ville.
"Mais maintenant que les tirs d'obus et les opérations militaires se sont arrêtés, j'ai l'impression qu'une nouvelle histoire est en train de s'écrire pour moi, une nouvelle vie", confie-t-il.
Sur les artères principales reliant le centre de Damas aux quartiers sud, des affiches du président Assad ont été placardées. "Et le lion a triomphé", peut-on lire en arabe, en référence au nom de famille du chef de l'Etat.
Dans l'ensemble, Damas a été épargnée par les destructions massives dont ont souffert d'autres villes syriennes depuis le début en 2011 du conflit, qui a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
Mais des années durant, les habitants ont vécu en état d'alerte permanent, au son de l'aviation et des bombardements du régime, et inquiets des roquettes tirées régulièrement par les rebelles sur des quartiers résidentiels de la capitale.
- "Toast à la victoire" -
Lundi soir, aux nombreux points de contrôle érigés dans Damas, les soldats qui d'ordinaire vérifient nerveusement les papiers d''identité, faisaient le V de la victoire, saluant chaleureusement les voitures.
Dans son restaurant situé dans la vieille ville, Nawwar Dayyoub, 41 ans, prépare une soirée de danse et de chant, "un toast à la victoire", affirme-t-il, s'empressant d'envoyer des invitations électroniques à ses meilleurs clients.
"Nous devons finir tous les préparatifs avant jeudi. La fête cette semaine aura un goût spécial", ajoute-t-il.
Une télévision diffuse en boucle des chants patriotiques à la gloire de l'armée.
L'un des clients, Ammar Khalil, regarde fixement une carte de la Syrie sur son téléphone portable, pointant les zones du pays récemment reprises par le gouvernement.
"Vous pouvez maintenant partir de Damas, en direction de Homs (centre), en passant par Hama (centre) si vous avez envie, puis vous diriger vers Tartous et Lattaquié (sur la côte), sans avoir peur des terroristes", soutient le jeune homme de 23 ans.
- "Tout a changé" -
Depuis septembre 2015 et l'intervention militaire de son allié russe, le régime syrien a multiplié les victoires face aux rebelles et aux jihadistes, à qui il attribue indifféremment le nom de "terroristes".
Le régime a désormais la main sur plus de 55% du territoire mais les provinces d'Idleb (nord-ouest) et de Deraa (sud) continuent de lui échapper et les Kurdes syriens contrôlent de vastes zones dans le nord-est du pays.
La guerre en Syrie, qui a éclaté en 2011 après la répression sanglante de manifestations pacifiques en faveur de réformes, s'est complexifiée au fil des ans avec l'implication de groupes jihadistes et de puissances étrangères.
Zein Mansour, originaire de la ville de Jableh (ouest), est arrivé à Damas lundi et se dit très surpris du calme régnant. La dernière fois qu'il s'était rendu dans la capitale, il y a environ six semaines, l'offensive de l'armée contre la Ghouta entrait dans sa phase finale.
"La situation était terrible, avec les bombardements, les morts, la guerre", se rappelle le jeune homme de 20 ans. "Mais aujourd'hui tout a changé, je peux aller où je veux".
Près de la mosquée des Ommeyades, un groupe d'hommes est attablé dans un café, jouant au backgammon et échangeant des points de vue passionnés sur les informations du moment.
"Une phase de la guerre est terminée", affirme Faraj Sfarjalani, 48 ans. "Mais la réalité est qu'il reste d'autres phases importantes (à gérer) dans cette guerre, liées à la situation économique et sociale" du pays.