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Dans cet atelier de Darmstadt au plafond élevé se côtoient d'ordinaire des amateurs de machines ou techniques insolites et des startups de haute technologie qui mettent au point des prototypes.
Depuis l’épidémie de nouveau coronavirus, des tables sont désormais disposées dans l'entrée pour accueillir bons de commande et visières de protection en attente d'être livrées.
Car en Allemagne, où le besoin en masques redouble à l'heure du déconfinement, des férus d'impression en 3D se sont mis en réseau pour produire avec succès à partir de logiciels libres des visières de protection et autres matériels destinés au personnel médical.
"J'ai commencé avec cinq pièces pour le cabinet médical de mon oncle", puis "le service de soins de mon grand-père en a voulu, enfin nous avons découvert qu'il y avait ce réseau en Allemagne", explique le fondateur Nico Neumann.
Il s'agit d'un projet caritatif reposant sur le bénévolat des participants, les logiciels "open source" et la gratuité des visières qui sont fournies.
"Nous avons démarré comme beaucoup de particuliers et de loups solitaires qui veulent aider", se souvient Nico Neumann.
- Bricoleurs -
A Darmstadt, au sud de Francfort, ce physicien de métier a transformé une plate-forme de bricoleurs, dénommée "makerspace" et fondée en 2015, en l'un des 150 centres de "Makervsvirus" (Innover contre le virus), un réseau réparti dans toute l'Allemagne.
Chaque visière de protection comprend une plaque transparente flexible, fixée de bas en haut par des pièces en plastique imprimées en 3D et tenant autour de la tête avec une bande élastique.
Contrairement à des équipements bricolés à la maison, ceux-là peuvent résister à la désinfection et à une utilisation répétée.
Fin avril, M. Neumann, un ingénieur en optique qui passe des heures de son temps libre à organiser l'atelier, et son équipe avaient livré environ 1.600 visières dans la région.
"Dans chaque domaine, quelqu'un sert de point de contact pour les cabinets médicaux, les hôpitaux, etc., ainsi que pour les personnes qui souhaitent aider", explique Nico Neumann.
"Cette situation est vraiment extraordinaire pour tout le monde", explique un des bénévoles venu en soutien, Stefan Herzig. Il est protégé par un masque pendant qu'il décharge des dizaines de pièces en plastique sorties d'imprimantes 3D.
"C'est un sentiment agréable de pouvoir aider, même si ma contribution est relativement faible", ajoute M. Herzig.
- Plus grand réseau d'Europe -
Le réseau allemand "Makervsvirus", étendu en Autriche et en Suisse où l'on parle la même langue, est "certainement le plus grand d'Europe" dans son domaine, explique Alex Klarmann, étudiant devenu porte-parole du groupe. D'autres du même type existent ailleurs en Europe.
Au-delà de l'aide au secteur médical, les bricoleurs ont livré des visières jusqu'au camp de réfugiés notoirement surpeuplé et vulnérable de l'île grecque de Lesbos.
Le réseau a résisté à certains écueils guettant les projets participatifs en ligne, à l'image de l'encyclopédie Wikipedia souvent confrontée à des "guerres d'édition", lorsque plusieurs membres du réseau sont en désaccord sur les contenus.
Avec 7.000 personnes qui participent à "Makervsvirus", "il y a des perturbateurs, d'autres qui veulent aller de l'avant sans se concerter avec d'autres, tout ce que vous trouverez dans n'importe quelle organisation", explique M. Klarmann.
Au fil du temps, de plus en plus d'entreprises spécialisées se chargent de répondre à de grosses commandes de masques, en laissant le soin aux amateurs de la première heure de traiter les commandes particulières, comme celles dont profite l'atelier de Darmstadt.
Il fabrique aussi des adaptateurs pour que les distributeurs de désinfectant puissent fonctionner dans les hôpitaux avec plusieurs marques de produits.
Autre innovation: un crochet en plastique pour soulager les oreilles endolories après le port d'un masque toute la journée.
L'atout des imprimantes 3D est justement de "permettre de régler rapidement les choses", dit M. Neumann.