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Avec l'ouverture de l'EuropaCorp La Joliette, un multiplex de 14 salles à proximité du centre-ville, Marseille espère se débarrasser de sa réputation de désert cinématographique. Et d'autres projets sont dans les cartons, dans la patrie de Marcel Pagnol, Paul Carpita ou Robert Guédiguian.
Fin 2018, la cité phocéenne comptait 50 écrans, pour dix cinémas. Loin des 92 écrans de Lyon, et même moins qu'à Bordeaux (52), selon le Centre national du cinéma. Avec ce multiplex aux 2.000 fauteuils inauguré mardi par le groupe Pathé-Gaumont, au coeur d'EuroMéditerranée, l'un des plus vastes projets de rénovation urbaine d'Europe, la deuxième ville de France retrouve une place plus honorable.
A quelques mètres de là, un certain Henri Verneuil débarquait d'Arménie en 1924, à 4 ans, sur les quais de la Joliette. Marseille comptait alors 51 cinémas. Quand le futur réalisateur d'"Un singe en hiver" monte à Paris, en 1949, après avoir déjà fait tourner Fernandel, la ville en recense même 89.
Puis ce sera un lent déclin, accéléré à partir des années 70. Si les tournages se multiplient dans la ville -pour atteindre le nombre de 480 en 2018, dont 12 longs métrages, précise Serena Zouaghi, à la tête de la mission cinéma à la ville de Marseille-, les salles disparaissent.
Annoncé en 2005 par le réalisateur-producteur Luc Besson, l'EuropaCorp La Joliette devait ouvrir ses portes en 2008. Il aura fallu dix ans de plus, avec entretemps la reprise du projet par Gaumont, en 2016. Et le groupe de Nicolas Seydoux a misé sur le haut de gamme pour ramener les Marseillais vers le 7e art.
Au delà des huit salles classiques, avec de larges fauteuils solo, duos ou trios, les spectateurs pourront opter pour trois salles "premium", équipées de sofas ("lounge"), de transats en cuir ("cocoon"), voire de véritables méridiennes doubles avec drap, couverture et taies d'oreillers changés entre chaque séance ("Tediber"). Pour les enfants, ce sera la salle "kids", avec couleurs acidulées et toboggan.
- "Le plus beau cinéma de France" -
Côté images, ce nouveau complexe se veut également innovant, avec une salle cumulant 4DX (fauteuils dynamiques avec effets de vent, voire de pluie) et Screen X (image à 270 degrés débordant sur les murs latéraux) et une salle 100% Dolby (vision et son). "C'est le plus beau cinéma de France", plaide Pierre-François Duwat, le directeur, expliquant vouloir offrir "une véritable expérience, un événement, autre chose qu'un simple film".
Pour vivre cette expérience, ce sera 13,50 euros le prix de base, dans les huit salles classiques. Pour s'offrir un film 4DX-Screen X, il faudra débourser 9 euros supplémentaires, 6 euros pour la salle Dolby. Quant aux salles premium, ce sera 35 euros, avec coupe de champagne et collation élaborée par un chef marseillais. Des tarifs qui n'empêchent pas Pierre-François Duwat de viser 750.000 à 800.000 spectateurs par an en rythme de croisière.
Du côté des autres exploitants, on ne craint pas l'arrivée de ce mastodonte. "C'est bon pour Marseille, car l'offre était notoirement insuffisante ici", explique à l'AFP Jean Mizrahi, le patron du César et des Variétés, deux cinémas axés art et essai du centre-ville: "Et ils ne seront pas du tout sur le même terrain que nous en terme de programmation".
Avec 2,38 millions d'entrées en 2018, les cinémas de Marseille ont clairement une marge de progression face aux 4,12 millions de billets vendus à Lyon ou aux 3,05 millions à Lille.
Et l'offre cinématographique va encore gonfler dans les mois à venir dans la cité phocéenne. Courant mai, Les Variétés, actuellement en travaux, vont rouvrir leurs portes, passant au passage de 5 à 7 écrans. L'Alhambra, le cinéma d'art et essais de L'Estaque, seul cinéma des quartiers nord, devrait passer à deux écrans. Et un complexe culturel de 7 salles dessiné par Jean-Michel Wilmotte est prévu sur la Canebière pour 2020.
"A Marseille, c'est vrai qu'il fait très beau, ça n'incite pas forcément à s'enfermer devant un écran", sourit Robert Guédiguian, interrogé par l'AFP lors d'un passage à L'Estaque, à l'Alhambra: "Mais il n'y a pas de fatalité !"