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Les fantômes des victimes du 737 MAX hantent Boeing

Brittney Riffel était enceinte de sept mois quand son mari est décédé dans le crash d'un Boeing 737 MAX d'Ethiopian Airlines le 10 mars 2019. Le retour imminent de cet avion dans le ciel l'inquiète et fait remonter de douloureux souvenirs.

"Il reste de nombreux problèmes qui doivent encore être résolus avant qu'il ne vole de nouveau", raconte-t-elle à l'AFP. "J'ai l'impression qu'ils prennent une fois de plus des raccourcis."

Mme Riffel, qui a également perdu son beau-frère dans l'accident, fait partie des 140 membres de familles des victimes du vol d'Ethiopian Airlines ayant attaqué Boeing en justice pour son rôle dans cette tragédie, qui était la deuxième en cinq mois d'intervalle pour le 737 MAX.

Près de deux ans après l'immobilisation au sol de cet aéronef vedette, l'agence fédérale de l'aviation (FAA) a décidé mercredi de le remettre en service après une série de mises à jour de différents systèmes de l'appareil, dont le MCAS, le système anti-décrochage mis en cause dans les deux drames.

D'autres régulateurs à travers le monde, dont l'Union européenne et le Canada, devraient lui emboîter le pas. La compagnie American Airlines prévoit déjà de remettre le MAX dans ses programmes de vol fin décembre.

- "Cupidité" -

Mais pour des familles de victimes, le retour à la normale n'est pas pour bientôt. Elles promettent de continuer à faire entendre leur voix.

En attendant un éventuel procès, elles veulent s'ériger en conscience de Boeing, à qui elles reprochent d'avoir abandonné la sécurité dans le souci de satisfaire les actionnaires.

"Rien ne pourra guérir le fait qu'un proche est mort à cause de la cupidité d'une entreprise, l'argent, la politique et le pouvoir", fustige Brittney Riffel.

"Nous ne pleurons pas seulement des proches, mais nous sommes aussi inquiets en tant que passagers", ajoute-elle. "Nous ne voulons pas que ce qui nous est arrivé arrive à d'autres".

Différentes enquêtes et rapports publiés depuis l'accident d'Ethiopian Airlines ont soulevé de nombreuses questions, notamment pourquoi les autorités américaines n'ont pas cloué le 737 MAX au sol après l'accident de Lion Air ayant fait 189 morts le 29 octobre 2018.

Comme avec Ethiopian Airlines cinq mois plus tard, les pilotes n'ont pas pu reprendre le contrôle de l'appareil après le déclenchement du système automatique MCAS.

A ceci se sont ajoutés en janvier dernier des révélations sur des communications internes chez Boeing, décrivant une culture marquée par "l'arrogance" et le souci de réduire à tout prix les coûts.

"Cet avion est ridicule", égratignait notamment un employé dans un message de septembre 2016, en référence au 737 MAX. "Design nul", fustigeait un autre en avril 2017.

Un rapport parlementaire publié en septembre dernier regrettait de "nombreuses lacunes en termes de supervision et de responsabilité" de la part de la FAA.

Le régulateur aérien affirme avoir procédé à un examen minutieux du MAX, tandis que Boeing souligne avoir effectué plus de 3.000 heures de vols et 1.400 vols tests et revisité la formation des pilotes pour garantir la sécurité de l'appareil.

Mais ces déclarations ne sont pas parvenues à dissiper les doutes des critiques qui continuent à dénoncer le secret entourant la procédure de certification.

- "Justice" -

C'est le cas de FlyersRights, qui intente une action judiciaire contre la FAA. Le but est d'obtenir du régulateur une publication de documents "afin que des experts indépendants et le grand public puissent examiner les éléments sur lesquels la FAA a fondé sa décision" de lever l'interdiction de vol, explique l'ONG sur son site internet.

Des avocats représentant des familles de victimes accusent Boeing de refuser de partager des documents sur ce qui s'est passé dans l'accident d'Ethiopian Airlines.

"Boeing est très lent à produire des documents qui aideraient les familles des victimes à comprendre pourquoi leurs proches sont morts", dénonce Bob Clifford, un des avocats.

L'action judiciaire devrait durer plusieurs années: certaines familles accepteraient un accord à l'amiable mais d'autres veulent un procès, selon maître Clifford.

"Le but de chaque personne est différent", raconte-t-il. "Il y a des familles qui sont prêtes à aller jusqu'au bout pour que Boeing admette avoir été négligent et sa faute, ou alors elles iront au procès".

Brittney Riffel confie en faire partie: "Je me fiche de l'argent. Je veux que justice soit faite".

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