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En arrêt forcé, les voyagistes tentent de se projeter dans un "après-coronavirus" encore incertain et conditionné à la fin de la crise sanitaire mondiale, ce qui rend complexe l'ébauche de scénarios de rebond.
"Pour cet été, on s'attend à une baisse d'au moins 60% de notre activité, puis de 40% à 50% pour la fin de l'année. Et on table, au mieux, sur octobre 2021 pour retrouver le niveau d'avant l'épidémie", résume Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, la fédération qui représente l'essentiel des agences de voyages françaises.
"Aucune autre crise auparavant n'avait été globale et systémique comme celle-ci, ça va être long et compliqué, et il y aura de la casse", souligne-t-il auprès de l'AFP.
Avions cloués au sol, frontières fermées, départs suspendus, salariés en chômage partiel: la quasi-totalité des entreprises du secteur tourisme - voyagistes, hôteliers, restaurateurs, transporteurs - subissent de plein fouet l'épidémie de Covid-19.
"On a trois ou quatre réservations par jour pour la marque Voyageurs du Monde, contre quelque 80 auparavant, et ce sont des voyages pour l'automne, pas pour l'été", renchérit Jean-François Rial, président de ce groupe qui compte les marques Terres d'Aventure, Comptoir des Voyages ou Allibert Trekking.
"Pas un seul client qui part, pas un euro qui rentre: l'intégralité du marché est à l'arrêt", résume aussi Guillaume Linton, PDG du tour-opérateur Asia, qui propose 42 destinations dans la zone Asie-Pacifique.
Selon lui, "la reprise va être hyper progressive" et dépendra de multiples facteurs: "il faudra d'abord que la France autorise les voyages, puis que les avions volent, et aussi que les destinations acceptent les Français!"
Le gouvernement l'a bien précisé mardi: les Français doivent attendre avant de réserver pour les vacances d'été, en raison d'une "situation encore trop incertaine", selon le secrétaire d'Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
"Ce n'est pas le moment d'acheter un billet pour partir à l'autre bout de la planète", a précisé la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.
- "Aspect psychologique" -
Pour Jean-Pierre Mas, "ce sont des conseils malvenus, qui rajoutent du stress à l'angoisse. Car personne n'a de visibilité sur la sortie de crise sanitaire, on ne sait pas quand et où les confinements seront levés, peut-être qu'on pourra voyager cet été dans certains pays".
"Ce qui est sûr, c'est que nous ne ferons voyager personne sans une sécurité parfaitement assurée. Mais aujourd'hui, les voyagistes sont en situation de repli, il n'y a pas vraiment de scénario de reprise, le seul envisagé est un petit redémarrage cet été, car les gens auront besoin de respirer", espère-t-il.
Pour "rebondir", Guillaume Linton estime également que les acteurs doivent être "créatifs et sortir de leur zone de confort". Son groupe, dédié aux voyages en Asie, réfléchit ainsi "à proposer des voyages en France pour cet été, alors que ce n'est pas du tout notre terrain de jeu".
Le spécialiste des voyages culturels Arts et Vie, qui revendique normalement 50.000 clients annuels, pour sa part "continue à croire à la reprise cet automne et se concentre sur cette saison", selon sa directrice adjointe, Delphine Camara.
Mais "cela dépendra de la situation dans chaque pays, mais aussi de l'aspect psychologique: la Chine et l'Italie étant nos deux destinations fortes, il se pourrait que les voyageurs attendent des garanties sanitaires fortes avant d'y retourner", reconnaît-elle. "Sans compter que la crise va laisser des traces dans nos destinations: dans quelle mesure les acteurs avec lesquels nous travaillions avant seront encore opérationnels?"
A court terme, "ce qu'on peut envisager comme scénarios, ce sont des groupes de pays - au sein de l'Europe par exemple mais pas seulement - qui ouvriraient leurs frontières entre eux pour permettre des voyages; ou alors des déplacements autorisés seulement entre les pays qui auraient jugulé l'épidémie", avance Jean-François Rial.
Pour lui, une autre possibilité serait "des voyages possibles partout dans le monde pour ceux immunisés ou non-porteurs du virus, et qui pourraient le prouver de façon incontestable".