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Des filles et des femmes ont été victimes de violences sexuelles dans la région du Tigré en Éthiopie, par des combattants loyaux au gouvernement éthiopien, dénonce mercredi Amnesty International dans un nouveau rapport sur le conflit dans la région. "Viols et les autres formes de violences sexuelles sont utilisés comme armes de guerre", alerte Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, qui évoque des centaines de victimes de "brutalités dégradantes et déshumanisantes".
L'ONG de défense des droits de l'Homme impute les violences sexuelles aux membres des Forces de défense nationales éthiopiennes (ENDF), des Forces de défense érythréennes (EDF), des Forces spéciales de police de la région Amhara (ASF) et de la milice amhara Fano.
Au moins 63 victimes de viol
Le rapport d'Amnesty International se base sur des entretiens avec des professionnels de la santé et 63 victimes de violences sexuelles, dont 28 ont désigné les forces érythréennes. En outre, de nombreuses victimes ont également été témoins du viol d'autres femmes.
Le rapport contient des témoignages bouleversants, dont celui de Letay, 20 ans. "Trois hommes sont arrivés dans la pièce. C'était le soir, il faisait déjà nuit. Je n'ai pas crié. Ils m'ont fait comprendre par des gestes que je ne devais pas faire de bruit, sinon ils me tueraient. Ils m'ont violée l'un après l'autre. J'étais enceinte de quatre mois. Je ne sais même pas s'ils s'en sont rendu compte. Je ne sais même pas s'ils se sont rendu compte que j'étais une personne".
"Les militaires et les miliciens tentaient constamment d'humilier leurs victimes en ayant fréquemment recours à des insultes, notamment à caractère ethnique", relève encore l'ONG dans un communiqué diffusé mercredi. Les violences étaient "courantes et avaient vocation à terroriser et à humilier les victimes et leur groupe ethnique", analyse l'ONG.
Difficile de se faire soigner
Selon le rapport d'Amnesty, des centres de soins au Tigré ont recensé 1.288 cas de violences envers les femmes de février à avril 2021. Les médecins estiment cependant que de nombreuses victimes ne viennent pas les voir. À noter encore que l'accès aux soins pour les victimes a été entravé par la destruction de centres médicaux et les restrictions relatives à la circulation. Les victimes et les témoins ont aussi fait part à l'ONG de n'avoir reçu que peu voire pas de soutien psychologique et médical à leur arrivée dans les camps pour personnes déplacées en Éthiopie ou au Soudan.
"La gravité et l'ampleur des infractions de nature sexuelle qui ont été commises sont particulièrement choquantes et ces actes constituent des crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité", pointe Mme Callamard.
"Des mesures immédiates de l'Ethiopie" sont nécessaires
Amnesty International plaide pour que les faits fassent l'objet d'une enquête "efficace, indépendante et impartiale" et qu'un programme de réparation efficace soit mis en place. L'ONG en appelle à l'État éthiopien pour qu'il prenne "des mesures immédiates pour empêcher les membres des forces de sécurité et des milices alliées de commettre des violences sexuelles et que l'Union africaine fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que le Conseil de paix et de sécurité se penche sur ce conflit", lance Mme Callamard.
Les combats dans la région du Tigré (nord) ont débuté en novembre après l'envoi par le Premier ministre Abiy Ahmed de l'armée fédérale pour destituer les autorités régionales, issues du front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon le prix Nobel de la paix 2019, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l'armée fédérale, ordonnées par le TPLF. Avec l'intensification du conflit, le bilan humanitaire est dramatique. Selon l'ONU, environ 400.000 personnes vivent dans des conditions de famine au Tigré, tandis que l'aide humanitaire peine toujours à arriver.