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L'Inde connaît-elle son heure #MeToo ?

Un an après son apparition dans le reste du monde, le mouvement #MeToo avait jusqu'ici peu donné de la voix en Inde. Mais la donne semble changer avec les accusations d'une actrice de Bollywood, qui ont ouvert la boîte de Pandore.

Réalisateurs, humoristes, journalistes... Ces derniers jours, plusieurs hommes en vue de l'industrie du spectacle et des médias se sont vus accusés publiquement de comportement inapproprié envers des femmes dans cette société patriarcale.

L'étincelle est partie d'une comédienne de Bollywood, Tanushree Dutta, qui a réitéré dans une interview ses accusations de conduite déplacée de la part du célèbre acteur Nana Patekar - qui dément - durant le tournage d'une comédie romantique en 2008.

Formulés publiquement la même année, ces propos n'avaient pas été suivis d'un dépôt de plainte à l'époque. Encouragée par la campagne féministe #MeToo, partie des États-Unis, l'ancienne candidate au titre de Miss Univers a saisi la police ce week-end à Bombay.

Ces derniers temps, quelques actrices indiennes ont ainsi commencé à dénoncer une culture de la "promotion canapé" dans le monde très fermé du cinéma de Bombay.

- Dissolution de société -

Durant le week-end, le site HuffPost India a mis en ligne une longue enquête sur le réalisateur Vikas Bahl, l'un des associés-fondateurs de la société de production Phantom Films. Celle-ci est à la pointe du cinéma indépendant indien et produit entre autres la série de Netflix "Le Seigneur de Bombay".

Une employée de la société, qui n'est pas nommée, y relate une fête arrosée à Goa (sud) en mai 2015. Le producteur l'aurait raccompagnée à sa chambre alors qu'elle était ivre, aurait tenté de la toucher et se serait masturbé à côté d'elle.

Suite à la publication de cet article, la star féminine du plus célèbre film de Vikas Bahl, "Queen" (2014), a exprimé son soutien à cette employée et témoigné de son propre malaise dans ses rapports avec le réalisateur.

À chaque rencontre, "il enfouissait son visage dans mon cou et me serrait fort et respirait l'odeur de mes cheveux. Il me fallait beaucoup de force pour me dégager de cette étreinte", a déclaré l'actrice Kangana Ranaut à India Today.

La veille de la parution de l'article de HuffPost India, deux des membres du quatuor fondateur de Phantom Films, dont le réalisateur star Anurag Kashyap, ont annoncé sur Twitter la dissolution de la société de production.

Critiqué pour sa lenteur à prendre des mesures à l'encontre de Vikas Bahl, Anurag Kashyap s'est justifié sur les réseaux sociaux, expliquant que l'accusatrice ne souhaitait pas qu'il rende l'histoire publique et qu'il ne possédait pas les bases juridiques pour licencier son associé.

"Nous l'avons d'abord suspendu. Nous l'avons empêché d'entrer dans les locaux, nous lui avons retiré son pouvoir de signature", explique le réalisateur de "Gangs of Wasseypur", qui se dit "honteux" sur son profil Twitter, affichant une bannière noire pour l'occasion.

- Scène, médias... -

Mais les accusations de comportements inappropriés à caractère sexuel ne se cantonnent pas au cinéma. Toujours sur Twitter, des accusations ont émergé la semaine dernière contre l'humoriste Utsav Chakraborty. Il lui est reproché d'avoir envoyé des messages lubriques à des jeunes femmes.

En conséquence, le très suivi collectif de jeunes humoristes All India Bakchod (AIB) - auquel Utsav Chakraborty avait collaboré - a effacé toutes les vidéos Youtube où il figurait.

Prise dans la tempête, l'entreprise a dans la foulée suspendu son PDG et cofondateur Tanmay Bhat pour ne pas l'avoir sanctionné.

Dans un effet boule de neige, d'autres femmes ont recouru à Twitter au cours du week-end pour rendre publiques des accusations de harcèlement sexuel à l'encontre de plusieurs journalistes influents. Ces messages ont abouti à la démission lundi du rédacteur en chef politique du grand quotidien Hindustan Times, a rapporté la presse indienne.

Cet embryon de #MeToo indien prend place au sein de la petite élite urbaine de l'Inde, note Rituparna Chatterjee, journaliste et membre de l'organisation Network of Women in Media.

Ce mouvement "ne deviendra plus important que si les femmes gardent l'élan. Un retour de bâton est déjà en train de se produire. Les hommes débattent pour savoir si envoyer des textos tordus constitue du harcèlement sexuel", a-t-elle déclaré à l'AFP.

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