Partager:
Mauvaise nouvelle pour les oiseaux communs: en dépit d'une présence plus abondante dans les jardins français en hiver, en raison des migrations ou de l'évolution de leur comportement, leurs effectifs continuent globalement de reculer depuis 10 ans.
Depuis 2012, l'observatoire des jardins, une vaste opération de science participative menée sous l'égide de la Ligue de protection pour les oiseaux (LPO) et du Museum national d'histoire naturelle (MNHN), recense chaque dernier week-end de janvier et de mai la présence des volatiles les plus communs à partir d'observations de 85.000 particuliers (dont plus de 28.000 en 2022).
Son bilan semble à première vue contrasté: en hiver, 49% des espèces d'oiseaux ressortent en augmentation comme le choucas des tours, 20% sont stables et 11% déclinent (mésanges noires), alors qu'au printemps les tendances s'inversent totalement, avec 41% d'espèces en régression (accenteur mouchet, hirondelles), 24% stables et 2% en progression (huppe fasciée, linotte mélodieuse), selon l'Observatoire des jardins.
Mais pour le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, il ne faut pas s'y tromper. "Même si on peut être surpris par ces chiffres en apparence contradictoires, la faune de France, les oiseaux +bien de chez nous+, c'est au printemps qu'on peut les observer", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse.
Et, selon lui, "le constat est clair, c'est un déclin alarmant, et pour certaines espèces une véritable hécatombe que l'on observe".
Un observation qui corrobore les dernières études en date: en 2021, l'Office français de la biodiversité et le MNHN avaient alerté sur le déclin de 30% des oiseaux communs en France, se basant sur des observations d'ornithologues professionnels. L'UICN fait elle état d'une menace de disparition concernant 32% des oiseaux nicheurs de France.
- Effet report -
Comment expliquer des chiffres si opposés entre hiver et printemps ? Tout simplement parce qu'"en hiver on a plusieurs interférences qui interviennent", explique l'ornithologue Benoît Fontaine.
Parmi elles, l'afflux d'oiseaux migrateurs qui repartent au printemps, comme la fauvette à tête noire dont la présence a augmenté de 57% ces 10 dernières années dans les jardins français. Un phénomène amplifié par le changement climatique. Il a conduit cette espèce qui, autrefois migrait en Espagne, à s'arrêter désormais en France en raison de températures plus clémentes, faisant d'autant gonfler les statistiques.
Autre biais, le changement de comportement de certains volatiles qui, touchés par la pollution ou la baisse des insectes liées à l'agriculture intensive, auraient "commencé à exploiter les jardins comme point d'alimentation, à une période où les ressources naturelles viennent à manquer" dans leur milieu d'origine, indique la LPO.
Parmi les espèces les plus emblématiques de ces phénomènes de report, on trouve le chardonneret élégant, espèce menacée, mais qui voit sa présence augmenter de 83% dans les jardins français.
Comme lui, le moineau domestique, chassé des villes (-73% à Paris entre 2003 et 2016) ou le rouge gorge familier (-17% en 18 ans) restent pourtant stables dans les jardins.
- Martinets en baisse -
"Les jardins, malgré un écosystème qui leur est propre, ne font que refléter des tendances de fonds", explique M. Fontaine.
Parmi elles, l'explosion de certaines espèces opportunistes, comme les pigeons ramier, passés de la 17e à la 9e places des espèces les plus observées en hiver (+ 3 places au printemps) et dont la population hexagonale a grimpé de 78% entre 2000 et 2018.
Même chose pour la perruche à collier, qui entre 2013 et 2022, a vu sa présence décuplée dans les jardins hexagonaux.
A l'inverse, les jardins ne sont parfois que les témoins impuissants de la lente érosion de certains volatiles, comme le martinet noir (-46%) ou le verdier d'Europe (-46%), victimes de la dégradation de leurs habitats naturels.
"Pour certaines espèces emblématiques d'oiseaux sauvages, comme les cigognes ou les faucons pèlerins", menacés dans les années 70, "on a réussi à les sauver grâce à des programmes de conservation. Mais pour les oiseaux de proximité, ce sont tous nos modes de vie qu'il va falloir changer si on veut avoir une chance d'endiguer le déclin", conclut M. Bougrain-Dubourg.