Partager:
Fraudes aux aides agricoles européennes, cheptels fictifs, vaches errantes ou porteuses de la tuberculose bovine: face à ces fléaux, les bovins corses vont désormais être équipés de "Bolus", une puce électronique inviolable qui permettra de les identifier.
Parmi les premières volontaires, pour cette vaste opération entamée le 1er décembre à travers l'île méditerranéenne, les bêtes d'André Olivesi, à Petreto-Bicchisano (Corse-du-Sud).
"Ca montre la sincérité de notre exploitation. On verra qu'il y a un suivi" et que notre troupeau "existe" bien, explique Antoine Olivesi, son frère, en référence aux affaires judiciaires de fraudes aux aides de la Politique agricole commune (PAC) qu'a connu l'île.
Conduites une à une dans un couloir fait de rondins de bois pour les immobiliser à l'entrée du pré, les bêtes d'André et Antoine Olivesi se retrouvent face à Jo Galezi, technicien à la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf). Et celui-ci de leur enfiler dans le gosier une longue tige métallique avec, à son extrémité, la puce, disposée dans un cylindre de céramique de sept centimètres, qui fonctionne sans batterie.
"Il s'agit d'un lance-Bolus. Il nous permet d'injecter la puce au niveau du gosier de l'animal en passant sur le côté de la bouche", explique à l'AFP Julien Ovaert, coordinateur de ce projet Bolus en Corse-du-Sud.
Le cylindre tombe alors "dans le rumen, le premier estomac de la vache", et il va "rester là à vie, dans l'animal", poursuit celui qui va superviser l'opération sur les "quelque 20.000 bovins répartis sur 430 élevages que compte la Corse-du-Sud".
Pour l'heure, seuls 8% des éleveurs concernés ont refusé. Fin octobre, la chambre d'agriculture de Haute-Corse et le syndicat agricole FDSEA 2B ont critiqué l'imposition du bolus, lors d'une conférence de presse, préférant un système alternatif, selon eux, plus fiable et "garant du bien-être animal".
Pour s'assurer du bon positionnement de la puce, M. Ovaert approche un bâton de lecture contre le flanc de l'animal. Un "bip" retentit, l'appareil indique instantanément son numéro d'identification. Opération réussie.
- "Traçabilité sanitaire" -
L'installation a pris moins de 30 secondes par tête, à la grande surprise de l'éleveur: "Ca s'est bien passé. J'ai cru que ça allait être beaucoup plus long et compliqué, mais ça a été rapide, c'est une bonne chose", confie André Olivesi à l'AFP, en observant son taureau entouré de plusieurs veaux en train de manger tranquillement du fourrage.
La Corse "est la seule région" de France "où le Bolus sera obligatoire pour obtenir, dès octobre 2023, l'aide animale" de la PAC, précise Pierre Bessin, directeur de la Draaf de Corse.
Cette identification individuelle de chaque animal, dont le coût (1,7 euro hors taxe par bête) et la mise en place sont pour le moment intégralement pris en charge par l'Etat, "conditionnera également d'ici 2024 ou 2025 l'attribution de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN)", une autre aide agricole européenne. Et elle sera obligatoire pour amener ses bêtes à l'abattoir, a précisé à l'AFP Lia Bastianelli, cheffe du projet Bolus à la Draaf de Corse.
Cette puce "rendra beaucoup plus difficile la fraude et les élevages fictifs", assure-t-elle, en précisant que "cette opération de réidentification de l'ensemble du cheptel bovin en Corse" permettra aussi "une traçabilité sanitaire des troupeaux, dans une île où la tuberculose bovine circule".
"Indolore pour l'animal", ce dispositif déjà largement utilisé en Espagne et au Portugal permettra également de lutter contre les divagations animales et les vols de bêtes, dans un élevage corse particulièrement extensif, note Mme Bastianelli.
Au total, la production corse de cheptel et de viande (bovins, ovins, caprins, porcins, poulets) représente 10% des 256 millions d'euros de la production agricole totale en Corse, tirée par la production végétale (80%) et notamment le vin et les fruits.
A elle seule, "la filière bovine capte 40% des aides publiques, et le nombre d'éleveurs a explosé, passant de 900 en 2015 à 1.200 aujourd'hui, avec une production qui pourtant ne cesse de décroître", avait souligné en mai 2021 Sabine Hofferer, la précédente Draaf de Corse, qui a travaillé à la mise en place de ces Bolus.