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Parmi les nombreux artistes britanniques invités cette année au festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence et celui de théâtre à Avignon, certains s'inquiètent des baisses du financement culturel dans leur pays qui menacent, selon eux, orchestres et opéras.
Brexit, pandémie, inflation, soutien en baisse: les maux se sont accumulés pour la culture en Grande-Bretagne depuis quelques années. Et ces derniers mois, deux institutions majeures ont fait des annonces qui ont ébranlé le milieu artistique.
En octobre 2022, le Arts Council England (ACE) --qui finance les arts au niveau national grâce à des fonds du gouvernement et des produits de la loterie nationale-- a fait savoir que plusieurs structures culturelles à Londres allaient subir des coupes, le gouvernement lui ayant demandé de distribuer des millions de livres à d'autres villes.
Le English National Opera, deuxième compagnie lyrique, est le plus durement touché, avec le retrait de 12,6 millions de livres (14,6 millions d'euros) --avant de bénéficier d'un an de répit, et une éventuelle délocalisation hors de Londres.
Si d'autres opéras et orchestres ont également vu leurs aides diminuer, des structures hors Londres ont reçu davantage de fonds. Cette décision "profitera au public qui va à l'opéra pour la première fois", a justifié le ACE.
- "Période inquiétante" -
Premier employeur national pour la musique classique, la BBC --dont le gouvernement a gelé la redevance pendant deux ans, créant un trou massif dans ses finances-- a organisé un plan de départs volontaires visant 20% de l'effectif de ses trois orchestres anglais.
Le mastodonte médiatique avait également annoncé en mars la suppression des "BBC Singers", seul chœur permanent professionnel du pays... avant de se rétracter après une lettre ouverte de 700 compositeurs du monde.
"J'étais en choc et en colère", confie à l'AFP le compositeur George Benjamin qui s'apprête à présenter à Aix une création mondiale, "Picture a Day like this".
Dans un pays doté "de merveilleux orchestres et des compositeurs et des chanteurs de qualité (...) il s'agit d'une période triste et inquiétante", ajoute-t-il.
"J'ai peur qu'il y ait une fracture sévère, je n'ai jamais senti cela de ma vie", prévient le compositeur, dont deux opéras créés à Aix avaient rencontré un vif succès. "Si vous considérez les arts comme n'ayant aucune valeur, vous allez bien sûr baisser le soutien".
Pour Simon Rattle, maestro star qui vient diriger un opéra et un concert à Aix, "nous nous devons de rester optimistes, même si les arts traversent une période difficile en Grande-Bretagne".
"Souvent, la première chose à laquelle on pense en politique, c'est de couper... ce sont des moments aberrants et tragiques... On espère continuer à voir de l'art, de la culture quand on sortira de tout ça", dit-il.
Pour Tim Etchells, qui présentera une pièce itinérante en français à Avignon, "le contexte général est plutôt précaire en raison du changement de priorités" du gouvernement.
"Le gros problème est qu'il n'y a pas assez d'argent donné aux arts; et même s'il y a une volonté de transférer des fonds plus aux régions nord, ce n'est vraiment pas nécessaire de jouer les régions les unes contre les autres", dit le metteur en scène.
Le metteur en scène Tim Crouch, qui présente deux pièces à Avignon, s'inquiète de l'augmentation de prix de billets dans le West End à Londres où sont concentrés de nombreux théâtres. "Il y a beaucoup de petits lieux qui ferment", regrette-t-il.
L'agacement ne se limite pas aux artistes classiques.
"Pourquoi pensez-vous que je passe beaucoup de temps (en France)?", affirme à l'AFP Damon Albarn, du groupe Blur, qu'il a reformé. "C'est le seul endroit où je peux obtenir une commande pour faire un opéra autour de Goethe", qui sera créé en 2024 au Lido2Paris.
"La dernière fois que j'ai tenté quelque chose en Angleterre, c'était au National Theatre et j'ai fini par être harcelé pour faire un spectacle de Noël pour des +raisons commerciales+".