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Après les accusations d'Adèle Haenel, un procès se profile pour Christophe Ruggia

Le dossier qui a catalysé #MeToo dans le cinéma français file vers un procès: le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle du réalisateur Christophe Ruggia pour des agressions sexuelles sur mineure sur l’artiste Adèle Haenel au début des années 2000.

Deux sources proches du dossier ont confirmé à l'AFP jeudi cette information de RMC. La décision finale sur un procès revient désormais à la juge d'instruction.

"Lire dans ce réquisitoire que les faits sont suffisamment caractérisés, corroborés par des témoignages et que mes déclarations sont constantes, précises et crues me touche beaucoup. C’est une étape du processus judiciaire mais, à l’évidence, elle est importante", a salué Adèle Haenel auprès de Mediapart.

Les avocats des deux protagonistes, Fanny Colin et Orly Rezlan pour le réalisateur, Yann Le Bras et Anouck Michelin pour l'artiste, n'ont pas souhaité commenter.

Selon les sources proches du dossier, deux circonstances aggravantes ont été retenues par le ministère public: la minorité d'Adèle Haenel au moment des faits reprochés, à partir de ses 12 ans, et la position d'autorité de M. Ruggia, qui est le premier réalisateur à l'avoir fait tourner dans le film "Les Diables" (2002).

"Il résulte des déclarations circonstanciées, constantes, précises et datées d'Adène Haenel (...) et des éléments recueillis au terme de l'instruction que Christophe Ruggia lui a imposé des agressions sexuelles, nonobstant les dénégations de celui-ci", écrit le parquet dans ses réquisitions datées de mardi dont l'AFP a eu connaissance.

A l'appui des déclarations d'Adèle Haenel, le parquet évoque des lettres de l'intéressée, cinq "confidents", deux témoins visuels de "l'attitude déplacée" de M. Ruggia, ainsi que le témoignage de la mère de la plaignante.

Alors âgé de 36 à 39 ans, il l'a reçue tous les samedis après-midis entre septembre 2001 et février 2004. Les réquisitions évoquent un "caractère systématique" des attouchements lors de ces "visites".

"Il commençait à me caresser les cuisses en remontant vers mon sexe, comme ça, l'air de rien. Il touchait alors aussi mon sexe, il m'embrassait dans le cou (...) et il touchait ma poitrine", a raconté l'intéressée devant les enquêteurs.

Le parquet souligne aussi des "épisodes de chantage affectif lors de festivals à Marrakech et Yokohama".

Dans une longue enquête et interview à Mediapart, qui avait révélé l'affaire, l'actrice avait dénoncé fin 2019 l'"emprise" du réalisateur, peu connu du grand public, pendant la préparation et le tournage du film "Les diables".

Après la déflagration des accusations, Christophe Ruggia s'était décrit comme "sans doute le premier admirateur d'Adèle Haenel" et avait réfuté "les gestes physiques et le comportement de harcèlement sexuel dont elle (l)'accuse".

Il avait reconnu avoir "commis l'erreur de jouer les pygmalions (...). Emprise du metteur en scène à l'égard de l'actrice qu'il avait dirigée et avec laquelle il rêvait de tourner à nouveau", avait-il écrit.

Refusant dans un premier temps de saisir la justice, Adèle Haenel, récompensée par deux César en 2014 et 2015, avait finalement porté plainte quelques jours après l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris le 6 novembre 2019.

Christophe Ruggia avait été mis en examen le 16 janvier 2020 pour "agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime", et placé sous contrôle judiciaire.

- "Bouleversée" -

L'interview-choc d'Adèle Hanel avait provoqué un séisme fin 2019 dans le cinéma français, resté jusque-là imperméable au mouvement #MeToo, malgré de premières accusations retentissantes comme celles en 2018 visant le cinéaste et producteur Luc Besson, écartées depuis par la justice française.

Depuis, de nouvelles plaintes continuent de ponctuer l'actualité.

Mardi, c'est Judith Godrèche qui a dénoncé des abus sexuels entre 1986 et 1992 de la part des réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, qui contestent les accusations. Une enquête est ouverte à Paris.

Dans sa déclaration à Mediapart, Mme Haenel s'est notamment dite "bouleversée" par le récit de l'actrice.

Ces derniers mois, d'autres figures du cinéma, telles Gérard Depardieu ou Nicolas Bedos, ont été mises en cause dans le #MeToo français.

Adèle Haenel a plusieurs fois dénoncé "la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels", y compris lors d'une sortie fracassante contre Roman Polanski lors de la cérémonie 2020 des César.

Celle qui s'est produite au théâtre fin 2023 a acté en mai sa rupture avec le cinéma dans une lettre à Télérama.

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