Partager:
"S'affranchir des poncifs et s'autoriser toutes les libertés": pour sa 33e édition, le Festival Flamenco de Nîmes se veut un reflet du "flamenco d'aujourd'hui", quitte à dérouter certains spectateurs férus de traditions.
"J'ai, je pense, réuni une programmation de rêve, avec une majorité d'artistes confirmés, mais aussi des jeunes, pour illustrer ce qu'est devenu le flamenco", a confié à l'AFP François Noël, le directeur du Théâtre de Nîmes et patron du festival depuis 20 ans, lors de la soirée d'ouverture mercredi.
Où va-t-il, cet "art très classique" qui puise ses racines dans le sud de l'Espagne? "Parfois vers la +world music+, parfois en direction de l'art conceptuel ou de la danse contemporaine", répond François Noël, qui cédera dans quelques mois les rênes de la manifestation la plus importante du genre en France.
Si le flamenco "a ses codes très précis", les artistes actuels "s'autorisent une grande liberté de gestes, s'affranchissant des robes, des costumes, de tous les poncifs", souligne l'homme de théâtre.
Dans cette ville méditerranéenne, qui compte une importante communauté espagnole, le public "évolue avec nous", relève François Noël. "Certains partisans de l'orthodoxie souhaiteraient +muséifier+ le flamenco, mais on ne reviendra pas en arrière".
Les près de 12.000 places mises en vente pour la quinzaine de spectacles programmés jusqu'au 21 janvier ont pratiquement toutes trouvé preneurs.
Illustration de cet esprit d'avant-garde, "Peculiar", performance de l'ancienne danseuse soliste du Ballet Flamenco d'Andalousie Ana Morales, s'est jouée à guichets fermés.
Lors de son entrée sur scène, la danseuse et chorégraphe espagnole déambule en longue robe, au milieu d'un petit groupe d'hommes et de femmes vêtus de costumes contemporains.
Soudain, elle claque des talons, ondule de la main, puis du corps, et joue des effets de voile de son ensemble de soie blanche, au son d'une guitare et d'une harpe, dans une gestuelle épurée, sensuelle et hautaine.
- Cigarettes et froufrous -
Du flamenco classique?
Non, pendant plus d'une heure, "Peculiar" multiplie les emprunts --à la danse contemporaine, au trip-hop, à la musique électronique--.
Ana Morales grille sur scène quelques cigarettes avec son chanteur gitan, Tomas de Perrate, change trois fois de costume, se dénude à moitié, s'efface devant ses danseurs avant d'effectuer un solo dans une robe verte à froufrous tombée du ciel...
Des tambours brésiliens, un synthé lancinant, des récitatifs en espagnol, deux chansons en anglais aux accents rock, des projections vidéo, quelques classiques mano a mano d'une danseuse et d'un danseur, de longs silences: le spectacle avance en rythme cadencé, d'accélérations en temps de repos.
"Pour moi, le flamenco, c'est toujours un point de départ, mais ce que mon corps veut exprimer, je lui en laisse la liberté absolue", explique Ana Morales, de retour dans sa loge, après une belle ovation.
"Ce que le public veut, c'est ressentir des choses, c'est de l'authenticité", ajoute cette habituée du festival de Nîmes, pour qui son art est avant tout une "rencontre" avec des styles et des artistes différents.
"J'ai beaucoup apprécié cette mise en scène qui sort du traditionnel", disait à la sortie un spectateur, Patrick Chauvière. "Je préfère le flamenco traditionnel. Il y avait de bonnes idées, mais aussi trop de temps morts", nuançait l'amie qui l'accompagnait, Dominique Gourdin.
Pendant une semaine encore, les propositions vont se multiplier. Rocio Molina, autre artiste d'avant-garde, viendra conclure sa "Trilogia sobre la guitarra" dont le deuxième volet a fait sensation l'an dernier sur cette même scène.
Israel Galvan et Nivo de Elche associeront eux-aussi tradition et innovation dans ce qui est annoncé comme une "querelle de titans entre deux génies du flamenco", tandis que Andres Marin et Jon Maya feront se confronter le flamenco et la danse basque.