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Il a fallu beaucoup d'exigence au dessinateur Riad Sattouf, depuis une jeunesse modeste en Syrie jusqu'à la consécration mercredi avec le Grand Prix à Angoulême, mais à 44 ans, il a trouvé une popularité qui dépasse le monde de la BD.
Il est le fils d'un Syrien, docteur en histoire qui souffrit de ne jamais trouver la même reconnaissance, et d'une Française qui fut un soutien précieux dans sa vocation.
Cette histoire de la naissance d'un artiste est racontée en détail dans "L'Arabe du futur", autobiographie dessinée en six tomes (2014 à 2022), qui avait dépassé les trois millions d'exemplaires vendus, avant l'arrivée en librairie du dernier volet.
"Quand j'habitais dans mon petit village en Syrie, il n'y avait aucune librairie, aucune bibliothèque. J'avais une vie de confiné", expliquait-il à l'AFP à l'occasion de la publication du tome 5.
"Cet intérêt pour les livres et la bande dessinée, je le dois à ma grand-mère bretonne, qui m'envoyait des livres par la Poste", ajoutait-il.
Cette série, traduite dans plus de 20 langues, a trouvé un succès international. Et ce tome 6, avec seulement un peu plus d'un mois en rayon après sa sortie le 22 novembre, a été le 12e livre le plus vendu en France en 2022.
- Se remettre en question -
L'œuvre du Franco-Syrien ne saurait être résumée à ce récit touchant et drôle des vicissitudes et doutes d'un enfant et adolescent doué avec un crayon, mais moins pour le reste.
Il dessine aussi la vie d'une jeune Parisienne d'aujourd'hui, depuis ses 10 ans, dans "Les Cahiers d'Esther" (7 tomes depuis 2016), et s'est lancé dans celle du comédien Vincent Lacoste ("Le Jeune Acteur", 1 tome pour l'instant).
Pourquoi lui? Parce que Riad Sattouf, cinéaste, a lancé sa carrière. Il a réalisé deux longs-métrages, "Les Beaux Gosses" (2009) et "Jacky au royaume des filles" (2014). Et il en prépare un troisième, aux côtés d'idoles de jeunesse: le trio comique des Inconnus.
Ce travailleur acharné, méticuleux, jongle avec les projets avec une aisance qui n'est qu'une façade. En vérité, il se remet tout le temps en question.
Il dit avoir été marqué, au lycée, par un professeur qui lui avait lancé: "Sattouf, vous avez des facilités, mais vous savez ce qui arrive à ceux qui ont des facilités et qui ne travaillent pas?"
- Perfectionniste -
Depuis ses années d'étudiant en arts puis en animation, sa cote n'a cessé de grimper. "L'Arabe du futur 6" raconte ainsi ses premiers pas d'auteur quasi anonyme dans les festivals de BD, qui n'avait qu'une idée en tête: revenir avec un autre album qui le ferait connaître.
Cet admirateur de Philippe Druillet et Moebius croyait à un destin depuis longtemps. Car dans sa famille maternelle, après un retour en France à Rennes, on avait décrété qu'il était génial un crayon à la main.
"Je finissais par y croire", se souvient-il.
À 25 ans, en 2003, il décroche le prix Goscinny, récompensant un scénario. Puis en 2010 et 2015, il remporte le Fauve d'or au Festival d'Angoulême, prix du meilleur album de l'année.
"Lorsque le succès arrive, il y a forcément des moments où l'ego enfle. Moi ça m'est arrivé aussi!", admettait-il. Seulement jamais au détriment du travail.
Ce perfectionniste a poussé jusqu'au bout la logique en devenant son propre éditeur. Il a fondé en 2021 Les Livres du futur, maison où il est pour l'instant le seul auteur.
Mais "je suis avant tout auteur de bande dessinée. Je ne fais rien d'autre que ça", expliquait-il en novembre.