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Des milliers de manifestants aux champs contre l'autoroute Toulouse-Castres

Plusieurs milliers d'opposants à l'autoroute A69 Toulouse-Castres ont manifesté en pleine campagne samedi à Saïx, dans le Tarn, dénonçant un projet qu'ils jugent contradictoire avec l'urgence climatique et réclamant "moins de goudron", lors d'une mobilisation festive, mais sous haute surveillance.

Dansant au rythme des percussions, parfois sous la pluie, environ 8.200 personnes selon les organisateurs, 4.500 selon la préfecture, ont marché tout l'après-midi sur des sentiers et à travers bois, suivant une partie du tracé de la future autoroute.

Certains manifestants brandissaient des banderoles: "Moins d'énergie, moins de voitures, moins de goudron" ou "A69, une autoroute en cul-de-sac qui se finira en tête à queue".

Organisateurs de la mobilisation, le collectif La voie est libre, Extinction Rebellion, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre (SLT) ont demandé "l'arrêt immédiat" du chantier.

Lors d'une conférence de presse, ils ont à nouveau proposé un aménagement de la nationale existante et dénoncé la perte de terres agricoles ou de biodiversité qu'entraînerait la construction de cette portion d'autoroute de 53 km.

Dénonçant aussi "une injustice sociale organisée", ils ont déploré le coût du trajet Toulouse-Castres, qui pourrait atteindre 17 euros aller-retour.

"Si on veut être cohérent, ce projet doit être abandonné", a pour sa part estimé le député LFI Manuel Bompard, présent dans la manifestation.

- Terres agricoles et biodiversité -

Pour Ghislaine Richter, 27 ans, venue de Montpellier, "il faut qu'on se mobilise contre les intérêts financiers de certains. Le bien commun n'est pas respecté".

"C'est un projet qui date des années 90, qui pense le territoire et l'aménagement du territoire uniquement avec la voiture et les autoroutes. Et en fait ça, c'est plus possible!", a déclaré à l'AFP Sandrine Rousseau, députée EELV, venue aussi sur place, estimant qu'"il n'y a vraiment pas besoin d'une autoroute en plus".

"Nous, on est là pour la préservation des terres agricoles et aussi pour la préservation de la biodiversité", a ajouté Monique, manifestante sexagénaire qui préfère taire son nom.

Moins d'un mois après les affrontements entre gendarmes et opposants aux "mégabassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les autorités suivent de près cette mobilisation.

Alors que 800 policiers et gendarmes étaient mobilisés, "aucun fait grave n'a été constaté en matière d'ordre public" samedi, malgré la présence de "200 individus masqués radicaux", selon le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch.

Depuis plusieurs semaines, la contestation se centrait à Vendine, en Haute-Garonne, à la limite du Tarn, où des opposants s'étaient installés dans des platanes pour en éviter l'abattage.

Cette fois, le rassemblement se tient à Saïx, 37 km plus loin, où débats, concerts et autres activités sont prévus tout le week-end. Ainsi, samedi des participants ont disputé une course de caisses à savon, ou "bolides" allant "le plus lentement possible", les spectateurs jetant des peaux de bananes sur le parcours, le dernier arrivé étant le vainqueur.

Vendredi, des centaines de militants de diverses régions avaient installé deux chapiteaux, des tentes, un bar et une cantine sur une surface équivalant à une dizaine de terrains de foot.

Des élus du Tarn opposés à l'A69 ont dénoncé un projet en "totale contradiction avec l'urgence climatique".

Mais d'autres soutiennent le projet, qui réduirait d'une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse en 2025, d'une durée d'un peu plus d'une heure aujourd'hui.

Atosca, concessionnaire privé de l'A69, le juge "exemplaire" pour l'environnement ou l'emploi. Concernant les terres agricoles, l'emprise prévue a été réduite de 380 à 300 hectares, selon son directeur général Martial Gerlinger.

Le ministère des Transports a précisé vendredi que Clément Beaune avait demandé dès janvier une revue des sept projets autoroutiers en cours, "au regard des enjeux actuels: lutte contre l'artificialisation des sols, réduction des émissions de CO2, mais aussi désenclavement des territoires".

- Travaux déjà entamés -

"Le projet d'A69 ne fait pas exception à cette démarche de réexamen", a ajouté le ministère, en nuançant du fait de son avancement: "Les travaux ont débuté, et un contrat engageant l'Etat a été signé avec le concessionnaire".

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait averti vendredi qu'"on peut en débattre, mais pas en découdre", ajoutant qu'il n'y a "pas de renseignement qui démontre que dans le Tarn les gens aient une envie absolue de violence".

Des déclarations en deçà de ses propos du 5 avril, classant l'A69 parmi 42 projets "susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes".

Des opposants l'avaient accusé de "mettre le feu aux poudres", dans une région où le souvenir de Rémi Fraisse reste présent.

Le 26 octobre 2014, ce militant écologiste de 21 ans avait été retrouvé mort sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), à une soixantaine de kilomètres de Saïx, après des affrontements d'opposants avec les forces de l'ordre.

Cinq mois plus tard, le projet était abandonné au profit d'une retenue d'eau réduite de moitié, et le gouvernement faisait évacuer le site occupé pendant seize mois par des "zadistes".

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