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La sonde Juice démarre son odyssée vers Jupiter et ses lunes glacées

La sonde européenne Juice s'est élancée vendredi avec succès depuis Kourou, marquant le début de son odyssée de huit ans vers Jupiter et ses lunes glacées, à la recherche d'environnements propices à l'apparition d'une vie extra-terrestre.

Peu après son décollage à bord d'une fusée Ariane 5, à 12H14 GMT, la sonde spatiale s'est séparée du lanceur, 1.500 km au-dessus de la Terre comme prévu.

La mission d'Ariane 5 "est un succès", a déclaré Stéphane Israël, président d'Arianespace, depuis le Centre spatial guyanais.

L'annonce a déclenché les applaudissements dans la salle de contrôle Jupiter où étaient réunies plusieurs personnalités, dont le roi des Belges Philippe et l'astronaute français Thomas Pesquet.

L'émotion et le soulagement y étaient palpables, alors que jeudi le lancement a dû être reporté de 24 heures, en raison de risques d'orages.

"J'étais très stressé, c'était les montagnes russes !", a réagi auprès de l'AFP le directeur général de l'Agence spatiale européenne (ESA) Josef Aschbacher. "Je suis extrêmement fier pour l'Europe car Juice est la plus grosse mission de la décennie, et la plus complexe jamais envoyée sur Jupiter", s'est-il réjoui.

Une fois la séparation réussie, les équipes ont encore dû attendre que le satellite envoie son premier signal, ce qu'il a fini par faire au bout de quelques - longues - minutes de suspense.

La sonde de plus de six tonnes a ensuite pu déployer ses immenses panneaux solaires, de la taille d'un terrain de basket, autre étape cruciale. "Ca y est, on démarre!", a dit à l'AFP Olivier Witasse, responsable scientifique de Juice pour l'ESA.

"Il faudra attendre encore 17 jours pour que la sonde déploie ses antennes, et dans trois mois on aura le diagnostic final sur ses performances. On sera alors lancés dans la phase du voyage interplanétaire", explique de son côté Nicolas Altobelli, en charge de la mission.

- Voyage mouvementé -

La croisière de Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) s'annonce longue et "pas du tout tranquille", souligne Carole Larigauderie, cheffe du projet Juice au Centre national d'études spatiales (CNES).

Juice atteindra sa destination finale en 2031, à plus de 600 millions de kilomètres en moyenne de la Terre. Ne pouvant rejoindre directement Jupiter, l'engin devra en passer par de complexes manoeuvres d'assistance gravitationnelle qui consistent à utiliser la force d'attraction d'autres planètes pour gagner de la vitesse.

Par un survol Lune-Terre d'abord, puis de Vénus (2025), puis à nouveau de la Terre (2029), avant de prendre son élan vers le mastodonte du système solaire et ses plus grandes lunes, découvertes par Galilée il y a 400 ans: Io la volcanique et ses trois comparses glacées Europe, Ganymède et Callisto.

C'est la première fois que l'Europe spatiale part explorer une planète du système solaire externe, qui démarre après Mars.

"Par petites touches, l'exploration spatiale repousse les frontières de la connaissance", s'est félicité Thomas Pesquet auprès de l'AFP.

Conçue par Airbus, Juice embarque dix instruments scientifiques (caméra optique, spectromètre imageur, radar, altimètre, magnétomètre...). Qui permettront de mieux comprendre le système jovien, considéré comme un "mini-système solaire".

- "Mondes-océan" -

Mais la quête principale est de trouver des environnements propices à l'apparition de la vie. Si Jupiter, planète gazeuse, est inhabitable, ses lunes Europe et Ganymède sont des candidates idéales appelées "mondes-océans": sous leur surface de glace, elles abritent des océans d'eau liquide, or seule l'eau à l'état liquide rend la vie possible.

Juice cible Ganymède: en 2034, elle devrait se placer en orbite autour de ce satellite naturel, le plus gros du système solaire et le seul à posséder un champ magnétique la protégeant des radiations.

Piégé entre deux épaisses croûtes de glace, l'océan de Ganymède est extrêmement profond. Il y aurait "cinq ou six fois plus d'eau liquide sur Ganymède que sur Terre", décrypte Olivier Witasse.

De précédentes observations en orbite ont suggéré que cette eau serait salée, "or la vie sur Terre a démarré dans les océans d'eau salée", ajoute le scientifique.

L'enjeu pour Juice est de connaître la composition de cet océan, pour savoir notamment si un écosystème pourrait s'y développer.

"On sait que sur Terre, il existe un lac subglaciaire (dans l'Antarctique, ndlr) où on a trouvé une sorte de mucus qui se développe - donc de la vie", relève Carole Larigauderie.

"Si Juice arrive à prouver que Ganymède est habitable pour pouvoir aller vérifier à l'avenir qu'il y a de la vie, ce serait fabuleux !", s'exalte-t-elle.

Le lancement de Juice, d'un coût de 1,6 milliard d'euros, intervient en pleine crise des lanceurs pour l'Europe, quasiment privée d'accès autonome à l'espace après le départ des fusées russes Soyouz de Kourou, les retards cumulés d'Ariane 6 et l'échec du premier vol commercial de Vega C.

Le vol de vendredi est l'avant-dernier d'Ariane 5 avant le premier d'Ariane 6 prévu fin 2023.

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